mercredi 29 septembre 2010

Les ptis gestes gentils des gens qui passent



Pour les personnes en manque d'inspiration, voici quelques exemples de petits gestes de gentillesse rencontrés ces derniers jours, au hasard des rencontres et des voitures:

_ Faire un détour de 30 km en voiture le soir après plusieurs jours de travail non-stop, repoussant de plus d'une heure les retrouvailles avec son fils, pour déposer saines et sauves deux parfaites inconnues à la porte de leur auberge.

_ Offrir une brique de soupe aux légumes à deux étourdies qui n'avaient pas fait leurs courses à temps et vous demandent la bouche en cœur à 21h où elles pourraient encore trouver quelque chose à manger.

_ Répondre avec le sourire à deux grognasses qui vous demandent à quel arrêt elles doivent descendre pour aller à la plage qu'on le leur signalera, et ne pas repartir sans leur avoir bien expliqué où est l'arrêt pour le retour.

_ Changer de chambre deux clientes aux yeux cernés parce qu'elles ne supportent plus les ronflements de leur voisine sans dire un seul mot accablant pour la responsable de ces tracas.

Vous trouvez peut-être que tout cela n'a l'air de rien, mais la gentillesse, comme le bonheur, ce n'est pas en lingots qu'on la trouve, mais en petite monnaie. Surtout en période de crise.

mardi 28 septembre 2010

Enchufate a lo sano

Si le mérite en est tout espagnol, l'article sera tout français pour une raison évidente:
Los españoles ya saben (les espagnols le savent déjà).

Dans la région de Valencia, vaste cuvette aqueuse entre les montagnes et la mer, poussent avec succès et intensité 3 produits en particulier:
_ Les oranges. Ça ne surprendra personne: "un oranger sur le sol irlandais, on le ne verra jamais", mais il faut bien que ça pousse quelque part. Donc à Valence.
_ Le riz. Hé oui, de grandes rizières entourent Valencia. Pourquoi croyez-vous que c'est ici qu'on a inventé la paella?
_ La chufa. La quoi? La chufa (prononcez: tchoufa).
Quézaco?
La chufa est un tubercule, elle se forme donc au bout des racines de la plante, sous forme de petits pois, grands comme des cacahouètes. En français, on appelle cette plante "souchet" (dans la mesure où elle n'est pas cultivée en France, pourquoi lui donner un nom bien de chez nous, avec un beau -ou au début, et -et à la fin???) Ces tubercules sont ensuite accompagnés au moulin avec mille attentions affectueuses pour être écrasés. On ajoute trois litres d'eau pour un kg de pâte ainsi obtenue. On laisse macérer un moment, puis se succèdent les pressions et les filtrages. On rajoute de l'eau, puis 100 à 150g de sucre par litre, on filtre une dernière fois, et on conserve au frais.
La horchata est le nom donné à la boisson qu'on obtient alors, blanc cassé, liquide comme du lait entier, servie très fraîche, avec ou sans glace pilée, avec ou sans "fartons" (des petits pains sucrés fabriqués spécialement pour donner la réplique à la horchata).
Les valenciens en boivent souvent, et le reste de la Catalogne a fini par se laisser convaincre par ce breuvage flatteur pour les papilles et la santé.
En effet, c'est une boisson rafraîchissante, hydratante, nourrissante et très saine, pleine de potassium, calcium, fer, magnésium, etc...
On dit même qu'elle est riche en or: la légende voudrait que le nom "horchata" vienne d'une conversation qu'eut Jacques Ier d'Aragon avec une jeune péquenaude qui lui en offrit un verre.
"_ Que es aixo? (c'est quoi ça?) interrogea le souverain
_ Du lait de chufa. Répondit la maraude."
Dans un élan d'enthousiasme, le roi se serait écrié: "Aixo no es llet, aixo es or, xata" (ça c'est pas du lait, c'est de l'or, fillette!)
L'enthousiasme des rois étant plus fertile que celui des gueux, le nom serait resté: "or xata -->horchata (x catalan : tch espagnol).

Quand j'étais arrivée à Valencia en septembre 2006, il m'avait fallu peu de temps pour découvrir cette boisson ainsi que la meilleure horchateria de la ville: une grande salle bruyante au bout du quartier des pêcheurs, au bord des champs, remplie en permanence d'enfants et de retraités. Chaque retour à Valencia fut agrémenté d'un ou deux passages à la horchateria. Mais depuis plus d'un an, pas d'Espagne, pas de Valencia, pas de horchata. La canicule me parut encore plus caniculaire à Hradec Kralove, et assise devant des milk-skake en poudre délayés dans du lait froid, je soupirais du fond de l'âme au bout de la langue en pensant à la fraîche horchata qui rend anecdotique l'ascension du thermomètre.
Mercredi, après une visite guidée de Perpignan, nous passions le long de la rivière Basse lorsque mon regard fut ébloui par une lumière fraîche et nourrissante et mes oreilles envahies par un chœur d'anges aux voix sucrées et blanc cassé, car oui, le client attablé à la terrasse du salon de thé avait un verre de horchata posé devant lui!

Aaaaaaaah! qu'il est doux et désaltérant l'inespéré verre de horchata de Perpignan! Ah! qu'elle est douce et généreuse la belle et orgueilleuse Catalogne à la quelle je le dois!

Voilà, à bon entendeur: quelques euros pour un
verre d'or, fillette!











Article documenté par l'article de Wikipédia sur la horchata:
http://fr.wikipedia.org/wiki/Horchata_de_chufa

vendredi 17 septembre 2010

vendredi, pas tout dit


Pourquoi est-ce que j'ai des mots, j'ai des choses à dire, mais pas d'amour entre mes mots et mes choses à dire?

jeudi 16 septembre 2010

Gagner l'aéroport

Chacun veut que se relance l'hélice
Chacun aime rêver de ça

Chacun veut que tous les mécanos réagissent

à la moindre alerte bleue



Hier, nous nous sommes levés au milieu de la nuit pour accompagner ma petite cousine et un ami à elle à l'aéroport d'où un avion devait les porter à Amsterdam, puis de Amsterdam à Portland, sur la côté ouest des Etats Unis.

4h15: C'est étrange de constater qu'on se lève bien plus facilement en pleine nuit: 4h, 5h, qu'aux heures académiques: 7h, 8h. C'est peut-être une simple question de routine. Se lever à 7h pour passer une journée très identique à la précédente donne envie d'échanger son existence avec celle de l'oreiller. Alors que si mon réveil juge bon de me tirer du sommeil à l'heure où il est le meilleur, c'est qu'il se passe quelque chose d'inhabituel dont mon oreiller ne goûterait sûrement pas la volupté (si malléable aux choses extérieure fût-il!) aussi bien que moi, ce qui annule le fantasme de l'oreiller cité plus haut.

4h30: Est-ce parce que l'organisme est excité par le bouleversement de son rythme, ou parce que le monde appartient à ceux qui se lèvent tôt? Toujours est-il qu'à 4h30, en mettant la table pour le petit déjeuner, on se surprend à composer un copieux menu, et on gargouille comme un tuyau de plomberie.
On a:
_l'estomac dans les talons
_ grave la dalle
_ les crocs

5h00: Bon pied, bon œil. Ayé, c'est fait: si on se recouchait, on ne dormirait pas. On s'est préparé pour l'aventure, on en veut pour sa déficience en sommeil!! Du sensationnel, du suspense, de l'émotion, ... On se sent au dessus de ces moutons confits dans leurs haleines fétides de sommeil lourd, ignorant ce monde sombre et silencieux qu'on se sent le cran de conquérir dans le quart d'heure. On se sent en communion avec Giono et son monde de l'aube. On n'est pas du tout gêné par la pluie qui tombe raide et continue. On prend les éléments de haut, on met le contact, on jète un coup d'œil dans le rétroviseur, et c'est parti!

5h20: Ok, bon, d'accord, la pluie, en fait, c'est pas juste un élément du décor. Entre l'obscurité et le centimètre d'eau sur la route, on ne voit plus du tout les lignes au sol, et on se demande avec des poils d'angoisse dans la gorge:
_ comment les nombreux poids lourds qui vous dépassent à tour de bras voient ces p*** de lignes?
_ si les poids lourds qui vous dépassent à tour de bras vous voient BIEN?
_ Pourquoi, ventrebleu, y'a-t-il autant de poids lourds sur l'A86, à 5h00 du matin???

On concède qu'on n'est pas tout à fait le roi de la route, ni le roi de l'aube, et qu'on pourrait tout juste prétendre au titre de roi des lanternes rouges, à 70km/h sur l'autoroute (Ah, ben non, ça non plus, puisqu'on vient d'être obligé de dépasser une camionnette qui roulait à 60km/h).

6h00: On a parfaitement bien garé la voiture, et l'ascenseur s'ouvre sur le hall des enregistrements de départ du terminal 2 de l'aéroport Roissy Charles de Gaulle.

L'aéroport:

Le terminal 2, c'est celui des compagnies chic et chères. Ambiance clame, compétente, polie. Le personnel, souriant, semble s'être arraché de son lit uniquement pour nous aider à valider les billets électroniques sur les bornes à écran digital tout propre.
Chacun a dans la tête une mission, un programme, une idée, qu'il suit sans discuter. Il y a peu d'endroits où l'on se sente aussi seul que dans les lieux de transports, où chacun semble accroché à un fil comme une perle à un collier, indépendant des autres perles des autres colliers. Et pourtant, il règne à l'aéroport une communauté, au delà des individus: celle de tous les aéroports. Quand on est dans l'un, on pense aux autres, ceux qu'on connaît ou ceux qu'on imagine, avec leurs grandes baies vitrées qui sont votre premier aperçu de la terre nouvelle sur laquelle vous avez été déposé, et déjà, on voyage, qu'on ait ou non un billet.
Dans le hall des départs, j'ai la gorge nouée à la vue de toutes ces valises soigneusement préparées, de tous ces vêtements choisis pour leur confort, de tous ces visages concentrés sur un objectif: tenir, tenir, tenir. Tous ces sommeils bouleversés, ces repas avalés sur le pouce, ces passages aux toilettes, ces regards fatigués, indépendants et complices.
A l'aéroport, les voyageurs sont là pour ouvrir une parenthèse:
Aéroport de Roissy Charles de Gaulle, France - ouvrez la parenthèse: quelques heures essentiellement consacrées à soigner ses besoins les plus élémentaires: respirer, trouver une position confortable, manger, dormir, pisser, boire, ... et laisser tous les besoins plus sophistiqués en suspension. Fermez la parenthèse - Buenos Aires, Le Caire, Berlin, Montréal, Dubaï, New York, ...

Il y a la zone des guichets d'enregistrement. Elle fait un peu rêver parce que c'est là que la valise part, et qu'on est désormais plus ou moins contraint de la suivre. Mais c'est une zone mixte, qui mêle partants et non partants. Les voyageurs ne sont pas encore entre eux, et c'est gênant, tous ces gens avec des trémolos plein la gorge et qui ne partent pas.
Et puis il y a la zone des portiques. Elle ne fait pas exactement rêver, mais elle est indispensable. Humiliation collective, tous égaux face au détecteur de métaux.
Enfin, celle qui fait rêver les non-partants, la zone derrière les portiques, l'au-delà... Plus que des voyageurs. Finis les adieux, finis les doutes, finis les regrets. A la grandeur du toit, on devine que cette zone est large. C'est bien sûr la zone de tous les possibles, linoléum flottant, plus tout à fait là, pas encore partis. Ambiance select, effervescence tranquille, hiérarchie entre les blasés qui sont là comme par concession, et les novices qui frémissent en long en large et en travers. Les voyageurs sont entre eux, ils peuvent enfin n'avoir plus du tout la tête sur les épaules, ni les yeux en face des trous. Certes, ils souhaitent arriver, parce que le voyage, c'est inconfortable, vivement le repos, l'espace, la destination, ah que ne donnerait-ils pour ne plus se sentir la moitié d'eux même, réduite à survivre, sans famille ni amis, ni télé, ni ciné, ni restau, en microcosme allégé, empêtrés dans la mare du provisoire.
Mais cet ermitage de luxe, si nocif soit-il, est aussi excitant que l'appétit avant le repas, ou le désir avant...

Enfin voilà, les aéroports, c'est plus fort que moi, ça me donne faim!