dimanche 31 janvier 2010

Que deviennent ...


Vienne.
Auberge de jeunesse, Hutteldörf.
29 octobre 2009

Il est là, assis devant l'ordinateur depuis plus d'une heure. Il est vieux. Très vieux. Tout petit, rétréci, ridé, ratatiné, tremblotant, lent, concentré sur l'écran.
Je regarde avec exaspération ses mains tordues chercher les touches sur le clavier. Est-ce qu'il sait que je suis là, et que j'attends? Je n'ai rien dit, je n'ai montré aucun signe d'impatience, mais je bous intérieurement.
Après une heure et quart d'attente, je finis par m'approcher pour lui demander en anglais s'il en a encore pour longtemps.
Il se tourne lentement vers moi, avec un sourire lumineux, et me demande si je parle allemand. Je lui réponds que non. Il se lance dans un discours en allemand. Je lui dis que je ne comprends pas, alors il reprend en anglais, avec quelques mots de français. Il a bientôt fini. Juste un mot pour rassurer sa famille qui est restée aux Etat-Unis.
Quelques minutes plus tard, il se lève et me fait signe avec élégance pour me faire savoir que la place est mienne.
Je m'installe.
Après trente secondes, il revient. Il commence à m'expliquer quelque chose en allemand. Je lui dis que je ne comprend pas. Il continue en anglais et en français. Il me raconte qu'il doit écrire à sa famille pour les rassurer: il est parti tout seul en Autriche, sans personne. Il était autrichien à sa naissance. Mais maintenant il est américain. Il est revenu ici pour la première fois depuis qu'il est parti. Il est parti en 1940. Les rues ont tellement changé par rapport à ses souvenirs...
Il me parlerait peut-être plus, mais je n'ose pas le questionner. A-t-il peur de m'ennuyer? A-t-il peur que je ne comprenne pas? Il fait demi-tour et s'en va sans une parole.
Quelle histoire, quelles émotions, quelles angoisses, quelle aventure se cachent sous ce petit homme doux et poli, tout de rides grimé?
Que de courage pour revenir seul dans une si grande ville qu'on ne connaît plus depuis soixante dix ans, et s'arrêter sereinement dans une auberge de jeunesse dont on traverse les couloirs en silence, gentil et aimable avec tout le monde, complètement perdu, mais tellement ému!!!

dimanche 24 janvier 2010

Un sleep on the pillow, plize!


Rien ne couronne mieux un soir d'hiver qui se passe de commentaires qu'une très bonne nuit de sommeil. Pour ce faire:

1/2 verre de lait que vous passez au micro-onde

Dans un shaker:
1/2 tasse de lait
1/2 tasse de lait concentré demi-écrémé
1 c. à soupe d'eau de fleur d'oranger
1 c. à soupe de miel
1 goutte d'huile essentielle de citron (ou d'orange, ou de bergamote, selon ce que vous avez sous la main)

Shakez sans mollir pendant que le lait chauffe. Quand vous avez d'un côté le lait chaud et de l'autre le lait shaké, mélangez les deux, remuez un peu, buvez, et allez vous coucher sans plus de cérémonies.

samedi 23 janvier 2010

Le grand étchéquier


La transition entre la troisième et la quatrième feuille (du millefeuille d'Aristote, voir articles d'octobre et de novembre) est lente.
C'est normal parce que comme je le disais précédemment, plus on avance dans les feuilles, plus le temps et l'espace retombent sur vous comme une nappe sur une table.
Qu'avez-vous fait pendant tout ce temps?
Des promenades, du travail, des écuelles très laides en poterie, devant lesquelles une demi-douzaines de vieilles se sont gentiment extasiées, des truffes, fort peu de sottises, mais quelques gaffes, ...
Bref, vous avez regardé avec une certaine passivité l'eau couler sous les ponts.
Hé oui, la troisième feuille anesthésie. Il vous a bien fallu deux mois pour vous en remettre. Sur un séjour de 9 mois, 2 mois, c'est cher! Mais vous ne vous laissez pas abattre aussi facilement, et n'oubliez jamais que "si le grain ne meurt", point de moisson (et ça n'est pas une contrepèterie).
Au matin de la quatrième feuille, vous êtes en pleine forme, de blanches, tendre et solides racines dans un terreau tout noir et riche de toutes les jeunes pousses mortes pendant la feuille précédente vous donnent de l'assurance et la capacité de distanciation qui vous manquaient cruellement au cours des phases précédentes.
Dorénavant, vous ne courrez plus fiévreusement comme une chercheuse d'or après tous les numéros de téléphone qui passent à votre portée, vous achetez régulièrement de gros cornichons, c'est à dire lorsque le pot précédent est vide, vous avez renoncé à accomplir votre devoir de sociabilisation bi-hebdomadaire à la cantine, vous arrivez en classe avec un décontracté "salut!" et n'imaginez plus qu'au détour d'une phrase, vous allez déclencher une révélation dans les cerveau malléables des élèves.
Maintenant, tout est "perspective" pour vous, dans le sens graphique du terme. Fini le temps des déformations. Vous perspectivez à tour de bras. Perspectives de changement, perspectives de vacances, perspectives cinématographiques dans les couloirs du lycée, perspective de bien rigoler le jour de l'inspection (lundi/mardi), perspective de sortir régulièrement avec certaines personnes très sympathiques. Perspective jouissive de ne plus sortir avec d'autres. C'est Perce-pective fever.
Et puis, fleur précieuse parmi toutes dans votre jardin, éclose depuis très peu de temps sous vos yeux admiratifs et reconnaissants, si tendre et déjà si puissante, vous vouez une affection particulière à la douce ironie.
Attention tous les terreaux en quatrième feuille ne produisent pas une ironie. Il se trouve que c'est votre cas. Et comme la nature est bien faite, c'est de tout ce qui pouvait pousser chez vous ce dont vous aviez le plus besoin.
Maintenant, déambulant dans les couloirs du lycée, vous pensez souvent à un certain Calderon de la Barca, déjà cité sur ce blog il y a longtemps, et pour qui la vie était un rêve, et le rêve un théâtre, toute la question étant bien sûr de savoir qui a acheté les billets et se cache dans l'obscurité le cul posé sur son fauteuil molletonné rouge, et si nous toucherons d'intéressants cachets pour nos performances passionnées.
Si la vie est un théâtre, le lycée Bozena Nemcova en est une huile essentielle, et vous en appréciez maintenant le parfum avec détachement, méfiance et délectation, voire de temps en temps soulagement, car vous savez que vous pouvez n'en rester qu'une spectatrice à condition de payer votre place par votre silence et moult remplacements.
En dehors des représentations professionnelles, votre vie suit désormais un cours serein, vous souriez aux inconnus, vous avez vos promenades préférées, et pouvez chantonner quelques chansons tchèques, vous envisagez dans la longueur le combat ordinaire avec votre rideau de douche.

Dans la quatrième feuille, vous faites mieux semblant de vivre ici parce que vous ne croyez plus que vous devez devenir une authentique autochtone.

lundi 18 janvier 2010

Une belle histoire d'amûr!


Voici le dernier paragraphe de l'une des pièces de théâtre que les élèves du lycée vont jouer cette année (non, ça n'est pas du second degré):

"Charles:
Sois la bienvenue à Karlstein. Avec vous deux l‘amour et beauté sont entrés dans ces murs austères. Alors qu’ils y restent. Je lève l‘interdiction, j‘abolie la loi: désormais les femmes sont les bienvenues au Château de Karlstein.
Monsieur Peschek, je vous lève de votre emploi d‘échanson... pardon...je voulais dire Monsieur Chevalier Peschek. Et vous chère Alena, j‘espère que vous allez accepter votre suzerain comme le témoin de votre mariage, avec une dote de surcroît. Et vous mes frères, allez voir l‘ archevêque, il vous donnera les adresses des filles qui ne vous diront jamais non. Non non Arnost, je sais que grâce au confessionnal tu connais toutes les pécheresses des environs. Et n’oublie pas de dire à Maitre Ditriche que l‘Impératrice est prête pour une séance de pause; Disons demain après-midi. Venez.
Je vous accompagne dans vos nouveaux appartements."


Élégant, non?



Un petit pas dans la neige, un grand pas pour Luna



Shhhh Shhhhh Oune deux... Oune deux...

Shhhhh Shhhh Vous mé récévé? Yé répète: Oune deux, vous mé récévé? Shhhhhh C'est Luna Shhhhh Shhhhhhhhhh Luna Shhhhhhhhhh Alounissage ène cours Shhhhhh yé répète: alounissage ène cours.

Yé m'appête à poser mes patitas sour lé nouvo sol. Shhhhhhhhh Personne il est ène voue dans lé paraches. Shhhhhh. La sourface de lé sol, elle toute blanque, et pas pointou noulle part: tout il est ronde et douce à régarder. Shhhhhhhhhhhhh La couleur principale elle est le blanque, ma yé voi dés ombres bleues, et des ombres jounes, et des ombres rosas. Shhhhhhhhhh C'est pas doutou les couleurs de lé sols normal dé la Terra. Lé sols normal dé la Terra, il a les couleurs sombres: lé griss, lé vert sapine, lé griss, lé marrone, lé griss, ... et les formes toutes piquantèsses. Les sols dé la Loune ici al é boucou plou jouli pour lé pétite chatte. Toute douce et blanche, como yo!!!Shhhhhhhhhhh A moi lé sommeil lé plou maraveilleuses, qué la Belle Al bois Dormante, c'est oune pitite insomiaque ène comparaisonne!! Jejejeje!!

Vamos! La patita! C'est oune grane grane momento para toutes lé félines, qu'elles vont toutes vouloir la Loune!!

Oune...

Dos...

Tres...

Ayyyyyyyyyyyyyyyyyyyyyyyyyyyyyyyyyyye!!!!!!
Jo'er!!!!!!!!
Que c'est toute froide!!! C'est pa doutou douce! C'est froide qué ça mé broule lé pattes! C'est lé démone il habite ici!!! Shhhhhhhhh!!!

Ma qué???? yé m'enfonce!! Yé vé perdre mes patitas!! Lé sol il va mé manger toute froide!!! Yé vé mourir horrible souffrance!! yé m'enfonce!!!!!! Ahhhhhhhhhhhhhhh!!!!Cétatroce!!! Nooooooooo pa moi!!! Mange Mariolaine!!!!! Elle é vieja!!! Elle é machante!!!! Yé soui victime innocente!!!!Ahhhhhhhhhh!!!!



...



Ah, bé en fait, ça va. Bien. Y maintenant, yé fé quoi? Dé pétites pas? Adelante! Animo!
Scrouitch .... .... .... scrouitch

Jejeje!!

Scrouitch .... scrouitch ... scrouitch

Jejejeje!!

Yé fé scrouitch quand yé gambade!!
Jejeje!!!

Scrouitch scrouitch scrouitch scrouitch scrouitch




Shhhhhhhhhh Bonne, Ok, y'aime pas doutout la neiche (Mariolaine ale vient dé mé dire: "ça Lounika c'est la neiche, c'est pas la Loune"), ma cé rigolo!! Yé souis como oune goutte d'encre sour oune feuille blanche, y yé fé scrouitch como la ploume sour lé papier... Yé souis la mouse de la neiche!!! Jejeje!!! Yé soui oune poeta!
La classe!!
Cé d'accorde, yé reste encore oune pé plousse avec cette psychopata...

samedi 9 janvier 2010

El ultimo desayuno

Et j'avais bien raison, car ce matin là, j'ai trouvé le village de Roses, en Catalogne, et l'un des derniers avant la frontière avec la France. C'est un village de vacanciers, une petite Venise catalane. Les maisons sont belles, soignées avec amour et moyens financiers, les commerces peu nombreux, les passants absents dans les rues à 7h du matin, et les rues suivent le tracé des canaux dans les quels il est de bon aloi d'avoir une petite embarcation au nom de sa belle-mère.
Dans la fraîcheur du matin, les premiers rayons du soleil sont la seule présence à animer les rues. Il n'y pas un bruit, mais des rangées de platanes le long des routes et des avenues.

La mer était un peu agitée, mais juste ce qu'il fallait pour réveiller une voyageuse engourdie offrir un charmant spectacle:

le bain des chevaux. Ils avaient beau avoir quatre pattes et la tête pas mal plus proche du ciel que moi, ils ne semblaient pas du tout à l'aise dans cet élément mouvant et éclaboussant.
L'un d'eux tenta à plusieurs reprises de s'échapper et fut chaque fois reconduit sans pitié dans l'eau. Le bain de chevaux passe très bien avec des céréales et du lait sur une plage tranquille un matin de juillet.
8h30
Degré d'intimité: -0,76
Acidité du savon: neutre
Mots pensés: 467
Nombre de personnes sur la plage: 14
Poids du passé: non déterminé
Indice plaisir: 36,8
Parfum du shampoing: 4,39
Indice "où erre-je?" -7,2
Longueur de la douche: 4,32 minutes
Nombre de chevaux sur la plage: 2
Mots prononcés: 3,6
Longueur des cheveux: 28,54cm
Sensation du temps qui passe: 89,7

mercredi 6 janvier 2010

La ultima noche


Un matin tranquille de la dernière semaine de juillet 2009, je me suis réveillée avant le lever du soleil, dans ma voiture, à cent mètre de plage, où une mer déchaînée m'avait la veille dissuadée de prendre un bain après que je me sois faite rouler dans une vague et traîner sur le sable sur plusieurs mètres dans état d'impuissance totale. J'en étais ressortie toussante et crachante comme une vieille voiture, la cuisse sanglante, le maillot de bain, les cheveux, le nez, la bouche et les yeux remplis de sable, et m'étais assise un peu plus loin pour regarder partir à la dérive mon honneur de "warrior des mers agitées", et jouer avec une insouciance fougueuse des groupes de jeunes dans les rouleaux. Je ruminais avec un peu d'amertume la leçon du jour: quand les choses se corsent, il faut être en groupe pour retenir le plaisir dans ses filets.
J'avais dîné sur la capot de la voiture, pendant que Luna profitait de sa première heure de liberté depuis quatre jours.
L'agréable fraîcheur de ce lieu paradisiaque était tempérée par une concentration de moustiques comme j'en avais rarement vu. Si on faisait un mouvement assez large du bras, on pouvait être certain d'en bousculer un bon paquet. Si on sortait la langue pour exprimer une opinion un peu frondeuse, on risquait d'avoir du mal à la rentrer tant elle serait enflée de piqûres. Enduite d'anti-moustiques jusque dans les cheveux, je fus la seule campeuse sauvage à faire front dans cette zone cette nuit là. Nombreux furent les candidats: un groupe de marseillais entama un barbecue et l'abandonna en cours de route, ainsi qu'un sac d'ordures, et plusieurs campings cars tentèrent leur chance. Mais tous les humains finirent par déposer les armes, et l'on abandonna la zone aux insectes. L'union fait la force, définitivement.

Ni humaine ni moustique, je dormis avec Luna dans ce no man's land vibrant de "zzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzz"

Au matin, je pris:
_ la décision de ne pas me laisser abattre par la conscience de tout ce que la solitude m'empêchait de faire
_ le volant
_ le chemin d'une plage plus calme où je pourrais prendre un dernier petit déjeuner sur le territoire espagnol et un bain de mer sans risque de me faire transformer en chaussette dans une essoreuse.

mardi 5 janvier 2010

Chaque minute qui passe est une occasion de changer le cours de ta vie


Mon imagination démarre au quart de tour. Pour elle, il y a une histoire à chaque coin d'évènement, ou de chaque non-évènement. Si une porte grince, c'est l'ombre d'un bandit qui la pousse. Si un appelant inconnu fait vibrer mon téléphone, c'est le destin qui me passe un coup de fil, qu'est ce que je vais lui répondre? Aurai-je la présence d'esprit nécessaire pour nous faire basculer ensemble?
Bien sûr, vous ne serez pas surpris de lire que si la porte a grincé, c'est parce qu'un léger courant d'air est passé à ce moment là, et que l'appelant inconnu n'était autre que la mairie pour me dire que ma carte d'identité n'est pas arrivée.
Mais ce n'est pas une raison pour lâcher l'affaire, au contraire: je m'entraîne!!

dimanche 3 janvier 2010

Message de rigueur

Bonne année 2010 à tous!
Conjuguez vos verbes, utilisez vos mots savants, beaux, grossiers etc, jonglez avec les pronoms zé les prépositions au fil des phrases, dérapez contrôlé sur les liaisons (là, rien de dangereux, d'ailleurs), cerisez vos gâteaux en toutes saisons avec les accents, ne vous fâchez ni avec l'imparfait ni avec le conditionnel, et confiez sans crainte au subjonctif vos rêves, désirs zé fantasmes, ne faites pas de folies pour séduire un adjectif hautain ou un adverbe polygame, et vous verrez comme chacun des 365 jours qui vont meubler 2010 vous le rendra au centuple.