dimanche 11 juillet 2010

Une petite gâterie?


Les tchèques sont peut-être des branques en pâtisserie, mais ils ne manquent pas d'humour!

Les choses sous le manteau


Je reviens tout juste de Budapest.
Ce sont deux très belles villes. Et comme j'ai voulu bien faire les choses, j'ai passé deux nuits à Buda, et deux nuits à Pest.
En milieu de séjour, j'ai donc refait mes bagages et traversé le fleuve. Et comme la vie est bien faite, elle a fait en sorte que ce soit quand même un peu une odyssée.
J'étais montée dans le tramway, mon sac à dos sur le dos, et l'autre sur le ventre, et mon billet à la main. Les billets sont de petites bandes de papier orange, pas franchement impressionnantes. On se dit que ça ne doit pas être bien compliqué d'en fabriquer chez soi.
En montant dans le tram, j'avais voulu composter mon billet, mais la machine ne faisait rien quand je lui mettais mon ticket dans la bouche, pas de craquement, pas de lumière, rien, et les gens autour me regardaient tourner autour de la bête avec un intérêt poli et silencieux. En désespoir de cause, et un peu vexée de m'afficher pour rien, je suis allée m'assoir, bien au chaud sur le Palatin de ma bonne conscience.
Quelques minutes plus tard, une main est entrée dans mon champ de vision: un jeune homme muni d'un bracelet qui lui donnait une autorité de contrôleur me demandait mon billet. Je le lui tendis sans malice.
Il me fit remarquer que mon billet n'était pas validé.
"_ Ah oui, je sais, mais comment on fait pour les valider?"
Il me montra: il suffisait de faire jouer la bouche de la machine comme une simple perforeuse. Simple, mais il fallait y penser.
"Descendez avec moi, s'il vous plait."
Il dû s'y reprendre à plusieurs fois pour que j'obtempère, tant j'étais stupéfaite qu'on s'en prenne à une touriste à l'air doucement idiote comme moi. Avec la chaleur, ma couverture avait dû glisser un peu...
"_ Vous allez où?
_ A la gare. Je pars aujourd'hui (ça me semblait compliqué de lui expliquer que je changeais juste d'hôtel).
_ Et vous avez passé combien de temps ici?
_ Deux jours.
_ Et en deux jours vous voulez me faire croire que vous n'avez pas compris comment on fait marcher la machine?
_ Ben j'ai juste pris le bus et le metro, et les machines sont automatiques.
_ Pas dans le bus.
_ Si, dans le bus aussi.
_ Et là vous allez où?
_ A la gare. Je pars aujourd'hui.
_ Vous devez payer une amende. Vous n'avez pas validé votre ticket.
_ Mais je vous dis que j'ai voulu valider, mais j'ai pas compris comment la machine fonctionnait, y'a aucune information et personne ne m'a aidée!
_ Ca fait deux jours que vous êtes là, vous devez savoir. Vous devez payer. C'est 6000 ft." Il dit ça sans me regarder, comme ennuyé par tout ce que je pourrais lui raconter. La moutarde me monte un peu au nez.
"_ Ben je suis désolée, je ne savais pas, j'ai essayé de valider et personne ne m'a aidée!
_ Vous devez payer maintenant 6000ft ou on va au commissariat et ce sera 25 000ft.
_ Je ne comprends pas que vous soyez si peu compréhensif avec les étrangers. Vous croyez que c'est facile à comprendre, votre machine?
_ 6000 ft ou la police. Pour moi vous n'avez pas payé. Vous êtes contre la loi."
A mon tour je ne le regarde plus. Je soupire et regarde les gens dans la rue. Où est Superman quand on a besoin de lui?
Après quelques secondes de colère contenue et d'insultes marmonnées en français, je baisse les armes.
_ 6000ft, c'est ça?
_ Vous avez de quoi payer?
_ Non, je dois aller sortir de l'argent.
_ Juste ici il y a une banque.
Nous traversons la rue.
_ Et c'est la première fois que vous venez?
_ Oui.
_ Et vous avez des amis à Budapest?
_ Non!!
Je rentre dans la banque pour prendre de l'argent. Je ronge mon frein. Il reste dehors, passionné par sa conversation bien plus que par moi et ma rage impuissante.

Quand je ressors, je lui présente un gros billet de banque qu'il regarde en faisant la grimace.
"_ Vous n'avez pas de monnaie?
_ Non!! si je suis allée chercher de l'argent, c'est parce que je n'en n'ai pas!
_ Et ça, c'est quoi?
_ 3000 ft, pas 6000.
_ Et vous voulez me faire croire que c'est la première fois que vous venez?
_ Je vous ai dit que ça fait deux jours que je suis là!"

Il se tait, puis me regarde enfin droit dans les yeux et me dit d'une voix plus basse:
"Bon, vous voulez payer moitié prix?
_ Pardon?
_ Pour ça il va falloir parler avec moi.
_ C'est ce que je suis en train de faire, je crois.
_ Vous voulez payer moitié prix, ou 6000 ft?
_ Ben moitié prix, dis-je, un peu méfiante.
_ Alors moitié prix, c'est maintenant, sans reçu, et on n'en parle plus jamais. 6000, c'est avec un reçu officiel."
Je lui tends les 3000ft.

Il les glisse dans son portefeuille et s'adoucit immédiatement. Il me rend mon billet de transport non validé.

"_ Vous allez valider vos billet maintenant?
_ Ah oui, aucun doute. En plus vous m'avez expliqué avec beaucoup de pédagogie. "

Il m'explique le chemin à suivre pour atteindre la gare et disparait dans un tramway qui partait de l'autre côté.