lundi 31 octobre 2011

Ceci est un blog culturel

Office du tourisme de Paris "Bonjour!"

"_ Hello, I'm looking for a train station in Paris.... the Auschwitz station.
_ You mean: Austerlitz?
_ Yes!"

"_ Bonjour, je veux savoir, c'est où on embarque pour les bateaux pour Paris-Madrid?
_ Euh... vous avez déjà un bateau réservé?
_ Non.
_ Parce que je ne suis vraiment pas sûr qu'il y ait des lignes Paris-Madrid en bateau. Mais je peux vous indiquer les gares ou les aéroports, si vous voulez?
_ Pfff, non, je vais quand même pas prendre le train! Regardez sur internet pour les bateaux.
(je regarde pour lui faire plaisir. Je ne trouve rien.)
_ Non Madame, je suis désolée, il n'y a pas de bateau qui fasse Paris-Madrid.
_ Bon, ben regardez un bateau pour Centre Amérique alors.
_ L'Amérique Centrale?
_ Ben oui!!
_ Ecoutez, il n'y a pas de départ de Paris, de toutes façons, il faut aller à Saint Nazaire ou au Havre.
_ Et comment j'y vais?
_ Alors en train...
_ J'ai dit non pour le train!! Je veux bateau!!
_ Ben faites du bateau-stop alors!! Vous vous mettez sur le bord du fleuve et vous levez le pouce."

"_ Bonjour, il y a des souris dans ma chambre d'hôtel, je les entends la nuit, c'est dégoûtant, faites quelque chose!"

"_ Chaque année je fais l'aller-retour Berlin-Saint Jacques de Compostelle à pied. L'année dernière je n'ai pas pu, on m'a volé mon chariot. C'est pas grave, au moins il a servi à quelqu'un."

"_ Es que aqui, estoy un poquito perdida, sabes... Incluso un poco loca. Sabes cuanto peso se puede llevar con la maleta en el avion?
_ Me imagino que unos 20 o 23 kilos.
_ Ay... qué voy a hacer.... Te lo cuento. Ayer, estuvé en un supermercado, y me gustaba el envase de la sal... Asi que me compré un kilo de sal, por el envase... " (Ah, la baleine fait des ravages dans les cœurs des touristes!!)

"_ Mais vous, c'est lequel votre club de streap tease préféré à Paris?"

" _ On aimerait se rapprocher du cimetière du Père Lachaise...
_ Vous savez, on s'en rapproche tous plus ou moins."

"_ A map.
_ Hello. Can you say please?
_ OK... a map... please.
_ Yes, of course!
_ Thank you... wait... Gracias!
_ In spanish?
_ Yes, that's the way you say it here, isn't it?
_ No Sir, we are in France, we speak french.
_ Oh!! Really? " (un américain)


Nan, vraiment, on a bien rigolé cet été! 

Fantômes d'un soir d'été



Dans un tout petit camping perdu dans la forêt et les étangs de la Sologne, un soir de juillet 2009, allongée dans ma tente, mon chat sur le ventre, j'entendais le cheval qui conduisait la belle roulotte en bois de mes voisins s'ébrouer pour chasser les moustiques. Des enfants criaient de frayeur et d'excitation dans leurs jeux, et leurs parents, assis en rond, déclinaient en anglais les sujets habituels des conversations d'adultes d'un soir d'été. Soudain, ils se taisent car d'entre eux s'élève une voix grave et mélodieuse dans le gris des tous derniers rayons du jour qui ferment le cortège de la lumière bien longtemps après que le soleil a disparu.
A l'intonation, on savait qu'il déclamait un texte poétique, mais je ne saurai jamais lequel.



Aujourd'hui, le dernier jour d'octobre, c'est le fantôme de ce soir humblement magique qui tourne dans ma mémoire. Puisse-t-il y tourner encore longtemps!

vendredi 21 octobre 2011

Un super week end

Ce week end, je me suis offert un petit voyage à travers l'Europe: des Pays-Bas aux portes de Galice en passant par l'Albanie, l'Ile de France et les grandes plaines de Bohème, pas une minute de pause.
Et ça n'était pas faute de la désirer, la pause, parce que ça m'a laissé peu de temps pour réfléchir à tout ce qui se passait au fil des kilomètres. Le pouvoir de la lecture restera toujours un grand sujet de fascination pour moi. Comment se fait-il qu'on puisse réellement transformer en souvenir personnels de petits bâtons noirs dessinés sur du papier?
Pendant tout le week end, j'ai vécu comme personne d'autre ne pourra exactement le vivre des aventures qui ne sont arrivées à personne nulle part.




 Quel plus grand plaisir? Ce sont des parcelles de vie déjà meublées offertes en bonus dans le grand espace d'une vie, il n'y a pas d'effort à faire, juste suivre et faire comme chez soi.

Ce week end, j'ai lu Les Derniers Hommes de Pierre Bordage.

C'est l'histoire de ce qui pourrait se passer après une 3ème Guerre Mondiale qui aurait entraîné la disparition de la plus grande partie de la population mondiale, et donc le démantèlement de l'humanité telle que nous la connaissons. Il ne reste plus que quelques vestiges de la technologie, et des tribus nomades qui parcourent l'Europe pour s'échanger des matières premières. Chaque tribu a le monopole d'une matière première. La tribu qui nous intéresse a le monopole de l'eau. Pas d'eau, pas de vie. Mais les dangers sont nombreux pour tous: les insectes tueurs, l'eau empoisonnée, les soldats-robots jamais déconnectés après la fin de la 3ème Guerre Mondiale, les pluies acides, les animaux sauvages, les tribus cannibales, les maladies génétiques, ... et soudain, l'ombre menaçante d'une apocalypse finale, destinée à en finir une bonne fois pour toutes avec ce qui reste de l'humanité. L'humanité au sens propre : les humains (un groupe d'individus bipèdes, mammifères et omnivores), comme au sens figuré: les valeurs et la culture que transportent les humains (solidarité face à l'adversité, hédonisme, capacité à surmonter les épreuves pour continuer à vivre encore et toujours, pour voir encore un matin, et encore un matin, et encore un matin...) Les petits problèmes se joignent aux grands, et les héros gagnent surtout le droit de douter plus encore que les autres.

Un excellent livre, très complet, une odyssée troublante qui nous chuchote tout au long du récit que dans cette histoire, nous, lecteurs de 2011, nous sommes les absents, et que les absents ont toujours tort.

samedi 8 octobre 2011

Banquière II Altermondialiste

A part les initiales de mes grand-parents, en général je ne partage pas grand chose avec ma banque, et je ne suis jamais très pressée de répondre aux sollicitations de "faire le point avec un conseiller à votre écoute" qu'elle m'envoie régulièrement.
D'ailleurs, je n'ai jamais vu aucun de mes conseillers plus d'une fois. Car à ma banque, les conseillers changent tous les deux ans.
Il s'agit d'éviter que s'installe trop de promiscuité entre les clients et les banquiers. Avec moi, du coup, ça marche très bien.
J'ai déjà rencontré 4 banquières, et la 5ème attend depuis quelques mois d'avoir le plaisir de faire ma connaissance, et réciproquement.

J'avais pris rendez-vous avec ma 3ème banquière presque un an après qu'elle me l'avait proposé. Et je m'y étais rendue comme d'habitude, en traînant des pieds et la tête dans les nuages, mais bien décidée à ne pas ouvrir des quantités de comptes dont je n'avais absolument pas besoin.
La banquière était une femme d'une quarantaine d'année, aux cheveux courts, grande et sportive. Elle me serra la main et m'invita à prendre place dans son bureau, tout cela était très normal. Elle avait mon dossier sur son bureau, m'en fit un résumé, actualisa quelques informations, puis me présenta quelques "produits bancaires" adaptés à ma situation. Tout cela aussi était très normal, et je m'y attendais. Ce qui me surprit, en revanche, fut que, je ne sais plus comment, la conversation tomba sur la nécessité ou non pour moi de changer de téléphone ou d'ordinateur, et je lui fis savoir que puisque les miens fonctionnaient très bien, je n'avais pas de projet d'en acheter de nouveaux. Elle posa alors les mains à plat sur son bureau, et me dit qu'elle était comme moi, et qu'elle ne voyait pas l'intérêt de passer plus de temps à choisir son nouveau téléphone qu'à l'utiliser.
"Mon fils veut tout le temps qu'on lui achète les nouveaux ordinateurs, les nouveaux portables, les nouveaux mp3... Moi je sais même pas ce que c'est, le mp3!!"
Je ne pouvais qu'aller dans son sens (même si moi, je sais un petit peu ce que c'est, le mp3).
"Pffff si ça ne tenait qu'à moi, je vous jure, ça ferait longtemps qu'on vivrait à la campagne, et il saurait un peu mieux ce que c'est la vie, la terre, la consommation, etc... Mais on ne choisit pas. On est là pour consommer, consommer, consommer... Ils n'ont que ce mot à la bouche, non mais où on va comme ça? Et de penser que ce sont des jeunes comme mon fils qui vont prendre le relai, ça me rassure pas! Vous imaginez? Il est incapable d'écrire une phrase correcte, mais alors pour taper un code de carte bleue, là, pas de problème!! Moi je voudrais juste vivre à la campagne, où on peut se déplacer en vélo et vivre au milieu des vraies choses, dans un vrai environnement, et où il faut lever le bras pour avoir du réseau... Pas du virtuel et de la consommation, parce que ces jeunes, toujours le nez sur un écran, ils ne savent plus où ils sont! ils sont incapables de communiquer autrement qu'en langage sms, même quand ils parlent. Leur vocabulaire est réduit de moitié par rapport à celui qu'on avait à leur âge... ça me fait mal au cœur!!!"
Je ne l'aurais pas interrompue pour tout l'or du monde, consciente de vivre un moment assez rare: ma conseillère bancaire, employée d'une des banques les plus puissantes de France, en train de m'expliquer que le monde de la consommation, ça la rendait folle... Je me sentais comme une promeneuse qui aperçoit Bambi en train de téter sa mère et n'ose plus respirer de peur d'interrompre ce joli spectacle.
"N'est-ce pas?
_ Ah oui! si si! Tout à fait!"



Sans ouvrir aucun nouveau compte, mais avec le sentiment de m'être enrichie plus que de coutume, je quittai ma banquière avec un sourire, et l'impression d'avoir été le témoin complice de quelque chose de hautement interdit, mais grandement délectable.
Je ne l'ai jamais revue. Lorsque j'ai repris rendez-vous avec ma banque un et demi plus tard pour refaire un bilan, une jeune femme bien plus "académique" me reçut, avec la ferme intention de me faire ouvrir quelques comptes.



Certes, cette banquière, elle ne changeait pas le monde, avec ses petites idées de liberté et d'authenticité, mais "elle changeait la vie", et ce fut agréable.

dimanche 2 octobre 2011

Mille et une façons de découvrir la littérature

Et voilà,
(déjà) la rentrée, ça sent le papier, le plastique et la rosée, les marronniers riment avec bombardiers, les enfants pensent que l'année prochaine n'arrivera jamais, les adultes savent qu'elle n'a jamais été si proche, et nous sommes tous un peu indécis entre nostalgie et joie de commencer une nouvelle année scolaire.
Pour rester dans cette atmosphère presque studieuse, je vous propose de jeter un oeil sur ce court métrage dont en tant que prof de cours particuliers de français je ne me lasse pas:

Une leçon particulière

Bonnes lectures!! ;-) 

Rendez-vous avec la Luna

7h30 Ville-Franche => Lyon => Chambéry => Torino => Milano => Verona => Bolzano => Merano : 21h30



J'arrivai crasseuse et lasse à Merano et décidai de m'offrir le luxe d'un taxi pour rejoindre le camping. Le chauffeur du seul taxi qui restait devant la gare était un gros homme poilu d'une quarantaine d'années, encastré dans son siège, et dont le regard ne se détachait pas de l'écran fixé entre le volant et le pare-brise, sur lequel on voyait un poulpe se déplacer lentement dans les fonds sous-marins. Arriver à Merano et mourir dans un accident de taxi? Non, le trafic était trop calme. Devant le camping, le taxi ajouta quelques taxes, dont je ne compris absolument pas la cause, au prix de la course, mais je n'essayais même pas de discuter, vaincue d'avance.
La dame au guichet du camping n'était pas celle que je connaissais, mais elle savait tout de l'histoire de la française et du chat perdu et à demi-retrouvé. Elle appela la vieille dame pour savoir où en étaient les allers et venues de Luna, mais raccrocha bien vite et me dit que le chat ne s'était pas présenté depuis deux jours, que la vieille dame m'avait prévenue, que je n'aurais pas dû venir, et qu'il faudrait que je reste quelques jours ou que je revienne plus tard.
" Ma che imposibile" m'exclamai-je avec inquiétude.
Par acquis de conscience et pour honorer un premier pèlerinage sur le lieu de la séparation, je me rendis sur le parking, derrière le camping, où j'avais vu Luna pour la dernière fois. Le soleil couchant, en l'éclairant de ses derniers rayons orange lui donnaient une chaleur et une personnalité que je ne lui avais pas trouvées la nuit du drame.
Je posai la caisse vide et appelai "Luna"!
Elle surgit aussitôt et trottina vers moi en miaulant avec affection. Je l'attrapai immédiatement, incrédule, mais oui, c'était bien Luna: légère comme un rayon de lune malgré sa robe de vache hollandaise, et la queue toujours aussi cassée. Elle ne cessait pas de miauler, ayant sans doute autant de choses à me raconter qu'à me reprocher. Je l'interrompis néanmoins pour la flanquer sans ménagement dans sa caisse, pour être bien certaine qu'elle n'allait pas repartir sans laisser d'adresse. Elle était pourtant maigre et sale, et n'avait sûrement aucune envie de revendiquer son indépendance pour le moment.
J'allai sonner chez la vieille dame qui l'avait nourrie: "E la regazza dil gato bianco e nero..." Je pense que l'inintelligibilité totale de la phrase dut lui faire comprendre immédiatement qui j'étais.
Elle sortit et poussa des cris d'émotion lorsqu'elle vit Luna dans sa boîte. Me racontant toute l'histoire du séjour de Luna dans le pâté de maison, elle appela une autre vieille, qui avait elle aussi pris très à cœur l'histoire de Luna. Les deux réunies ne pouvaient plus arrêter de se raconter l'histoire l'une à l'autre, me posant quelques questions supplémentaires pour étayer leur récit. Finalement, la seconde vieille remonta chez elle, et la première, rassurée à l'idée que j'allais dormir à l'auberge de jeunesse, m'offrit un collier rouge pour Luna.
Je repartis le cœur en joie, ma caisse au bout du bras, dans laquelle Luna, secouée comme dans un panier à salade, regrettait sans doute déjà son brusque accès d'affection.
15 minutes plus tard, une très jeune fille m'ouvrit la porte de l'auberge de jeunesse pour me dire qu'il n'y avait plus de place, et que la maison n'acceptait de toutes façons pas les animaux. Je la suppliais de me laisser une place sur un canapé, et promis que le chat resterait dans sa boîte, mais elle répéta exactement ce qu'elle venait de dire. Je lui demandais où je pouvais aller alors, et elle me répondit que je n'avais qu'à aller à l'hôtel en face, une belle et grande maison avec des rideaux de velours et une piscine entourée d'arbres en pots. Je lui fis remarquer que si j'avais de quoi m'offrir ce genre d'hôtel, je ne serais pas en train de la supplier pour avoir un bout de canapé. Elle me répondit que dans la vie, il fallait s'organiser. Brûlant de rage, je fis demi-tour sans même lui dire au revoir.
Mes parents m'ont toujours dit: "Ma chérie, quand tu as des soucis dans une ville étrangère, il y a toujours deux endroits où tu peux aller, quelle que soit le jour et l'heure: la paroisse et le commissariat".
La gendarmerie n'était occupée que par un vieux chien affalé sur le carrelage et un vieil homme en uniforme, qui ne put que me conseiller d'aller à l'office du tourisme, qui devait encore être ouvert à 22h15 ce soir, étant donné qu'il y avait une fête dans le vieux centre ville. Il m'indiqua le chemin (toute la conversation s'était tenue en italien) et me souhaita bonne chance.
J'avais très mal au bras (un chat dans un boîte, si léger soit-il, c'est lourd au bout d'un certain temps!!). Je décidai de ne pas utiliser ce qui me restait d'énergie à rager contre les éléments, compte tenu du risque grandissant d'avoir à passer la nuit sur un banc public devant la gare. En chemin, la fatigue aidant, j'oubliai les indications du vieux gendarme, et dus demander mon chemin vers l'office du tourisme.
Le groupe qui me répondit était composé de quadragénaires très élégants,et qui comme moi se dirigeaient vers le centre-ville. Ils proposèrent de m'accompagner, et en chemin, m'interrogèrent sur la présence de ce chat au bout de mon bras. Je leur racontais en allemand-italien-français, donc en peu de mots, l'histoire de Luna, qui leur plut énormément et ils décidèrent de m'aider à trouver une chambre pour ce soir.
Nous entrâmes cinq dans l'office du tourisme, mais le patronage des opérations fut rapidement prit en main par l'un des messieurs qui avait prêté le plus d'attention à mon histoire, un petit homme musclé au crâné luisant.
La jeune fille de l'office appela un premier hôtel, dit quelque chose à mon Samaritain, qui m'annonça la bonne nouvelle avec soulagement: chambre libre, animaux accepté, 55€. Je fis non de la tête, consternée.
Deuxième appel: 65€, animaux acceptés. Non.
Ce "non" impatienta un peu les bonnes âmes autour de moi, qui avaient prévu de passer une soirée entre amis à siroter des cocktails, et pas à faire le tour des tarifs des hébergements de la ville.
Il se passa un bon moment avant le troisième coup de fil. Je voulais absolument rentrer sous terre, car non seulement les gens qui m'aidaient étaient en train de se mordre un peu les doigts d'avoir impulsivement décidé de me prendre sous leurs ailes, mais en plus la perspective de passer la nuit sur un banc public devant la gare reprenait de la consistance. Enfin, elle appela un troisième hôtel.
Cette fois, elle nota une adresse sur un bout de papier que mon Samaritain en chef lui arracha aussitôt, avant d'attraper la cage de Luna en me faisant signe de le suivre. Le groupe se scinda en 2, une équipe ayant visiblement pour mission de prendre un verre, et l'autre de quitter le centre ville. Je pris le parti de suivre l'équipe qui tenait Luna. La main qui tenait sa caisse était bien plus vigoureuse que la mienne, et j'imaginais Luna, en plein tangage, de toutes ses griffes agrippée à sa petite couverture, les yeux exorbités, en train de ruminer: "sentimentalisme à deux balles, sentimentalisme à deux balles, sentimentalisme à deux balles... Mais qu'est-ce qui m'a pris de lui sauter dans les bras?" Nous marchions d'un pas pressé dans des rues mal éclairées. Un couple se sépara de notre groupe, et nous ne fumes plus que 4: M.Samaritain, Mme Samaritaine, Luna et moi.
Quelques rues encore, une résidence, un parking, une voiture noire, "hop, en voiture, Simone!", Luna sur mes genoux, démarrage en trombe, défilé de platanes, feu rouge. Feu vert, défilé de platanes, virage en épingle à cheveux, je reconnais l'hippodrome, à côté du camping, et une rue que j'avais longée une semaine auparavant à la recherche du fauve qui tremblait maintenant dans sa boîte, et que j'essayais de caresser à travers les barreaux. Finalement, stop: un parking d'hôtel.
On descend. M.Samaritain attrape à nouveau Luna, et prend d'un pas de ministre la direction de la réception. Sa femme marche à côté de moi, les yeux brillants. Il sort un billet de 50€.
Je pense: "Non... il va pas faire ça?"
Il dit 3 mots au réceptionniste, pose le billet sur le comptoir, me claque une bise et disparaît.
Je pense: "Il l'a fait...", et l'ombre d'une nuit sur un banc public s'évapore comme un mauvais rêve, et ma conscience va se coucher en grognant: "compte pas sur moi pour te donner un avis sur la question".
Sa femme m'attrape par les épaules, me fait la bise, visiblement très émue, et retourne elle aussi à la voiture, en me faisant de grands signes de la main.
Je reste abasourdie, Luna dans sa caisse miaule comme une malheureuse, et le réceptionniste me regarde avec une curiosité bienveillante.

Ce fut une excellente nuit dans une chambre d'hôtel individuelle avec une douche (Ô, que bénie pour toujours soit la mère de l'heureux génie qui inventa la douche!!) et Luna au sommeil entrecoupé, venant régulièrement me roucouler dans le cou pour vérifier que moi, j'étais bien toujours endormie.

Ce fut un excellent petit déjeuner, avec buffet à volonté et produits de bonne qualité... Je glissai même subrepticement sous l'œil sévère de la serveuse deux petits sandwichs de confiture dans mon sac, en prévision de la longue journée de train qui nous attendait.

Ce fut 7h30 Merano => Bolzano => Verona => Milano => Torino => Modane (échange de TGV: tous ceux qui venaient d'Italie sont montés dans le TGV de tous ceux qui venaient de France. Il est nécessaire d'offrir des voyages animés aux usagers pour stimuler leur sens de l'humour) => Aéroport Lyon Saint Exupéry => Lyon Perrache => Appartement de ma cousine 23h45 =>Ville-Franche (11h)

Le lendemain, j'arrivai au bureau de mon oncle muette d'épuisement avec une Luna résignée dans sa boite au bout de mon bras, si pitoyable mais victorieuse que ma tante me raccompagna sans se faire prier jusqu'à leur domicile où j'avais laissé ma voiture et toutes mes affaires.

Voilà comment Luna et moi nous nous sommes séparées et retrouvées en une semaine.
Je ne sais même pas les prénoms des gens aux quels je dois d'avoir dormi comme une reine dans un joli petit hôtel de Merano, mais je les remercie infiniment pour ce geste de générosité offert sans ostentation ni prétention en simple réaction à l'histoire de la fille au chat.





Grazie Mile!!