vendredi 27 juillet 2012

Règlement de compte



Moins on voyage, plus on pense que le voyage, c'est que du bonheur. Les imbéciles heureux qui croient ça seraient alors bien en peine d'expliquer pourquoi ils ne voyagent pas, si c'est vraiment ce qu'ils pensent. Il est tabou, lorsqu'on part très loin, dans un pays très "exotique", de revenir et de répondre à la sacro-sainte question: "alors? ça devait être formidable, tu dois être trop triste de rentrer!!!" par un souriant "oh non!! je suis vraiment contente de rentrer, c'était vraiment pas facile tous les jours là-bas!"
La désapprobation qu'on lit dans le regard de l'autre nous rappelle qu'on vient de piétiner une convention coriace: un voyage doit être une parenthèse idyllique dans l'existence, qui nous rappelle qu'on est partout mieux que chez nous (surtout dans les pays lointains).
En fait, non.
Pour qu'un voyage soit beau, il faut:
_ être dans un état d'esprit d'ouverture et d'acceptation de l'inconnu et de l'aléatoire.
_ que le pays soit beau
_ que les conditions de vie soient cohérentes: peu de confort, beaucoup de temps libre, ou beaucoup de confort, peu de temps libre.
_ que les gens sur place soient prêts à vous recevoir non pas avec enthousiasme, mais avec une ouverture qui vous montre que vous êtes accepté en tant que personne, que vous serez respecté en tant qu'être humain et écouté en tant qu'individu. 
_ un climat pas trop pourri (mais ça c'est accessoire).

Tout ça, c'est le kit minimum auquel peuvent venir s'ajouter plein d'éléments selon les lieux, les gens, les moments.

Et lorsque ces éléments ne sont pas réunis et que le voyage devient souffrance, ça ne sert à rien de fustiger du regard celui qui vous dira qu'il a raté son voyage, et qu'il est ravi de rentrer.

J'ai beaucoup hésité avant d'écrire ce message, parce qu'il ne vous fera pas rêver. Peut-être même qu'il en fâchera certains. Tant pis, moi aussi j'ai été un peu fâchée.

Au Pérou, j'ai vu de très belles choses, goûté de très bons plat, découvert de nouvelles saveur, vécu de nombreuses expériences nouvelles. Parmi ces expériences nouvelles, j'ai découvert qu'on peut se sentir mal accueilli dans un pays, et que c'est une sensation douloureuse.
Au Pérou, je n'ai pas rencontré que de mauvaises personnes, mais étrangement plus qu'ailleurs, et je n'ai pas vécu que de mauvaises journées, mais j'ai souvent été confrontée à une sorte de fermeture et d'agressivité banales qui m'ont fait me sentir bien souvent de trop. 
Alors voilà, de mon expérience au Pérou (qui somme toute n'engage que moi), j'ai retiré l'impression que les péruviens sont des personnes fermées, peu avenantes et intéressées bien plus par l'argent que par l'humain (n'hésitant pas à sacrifier un ami pour gagner 3 soles, alors même qu'ils sont clairement plus riches que l'ami sacrifié). Ce qui vient de loin leur semble inopportun dans leur beau pays, et ils mettent à le lui faire sentir un soin qu'ils ne mettent dans aucune autre action de leur vie, puisqu'ils travaillent souvent avec un laisser-aller qui montre à quel point ce qu'ils font les ennuie viscéralement. Dans le tourisme, c'est gênant. Ils cachent si peu leur avidité envers les moyens financiers qu'ils supposent infinis chez les étrangers qu'il devient difficile de profiter sincèrement des services qu'ils consentent ensuite à réaliser ou des superbes objets d'artisanat qu'ils leur proposent, coupant ainsi toute spontanéité et toute curiosité des touristes à leur égard.
Si vous comptez visiter ce pays, prenez en compte ce pessimiste avertissement, qui sera je l'espère contredit du tout au tout.
Je garderai pour ma part un très bon souvenir du pays, un très mauvais souvenir de ses habitants. A charge à eux de me prouver que je me trompe.

Copacabana 3 et retour en Péruvie

Il nous reste à parler du chemin de croix de Copacabana.
Le relief escarpé qui entoure le village est tout à fait propice à l'installation d'un chemin de croix digne de ce nom.
Il aurait été dommage de quitter Copacabana sans grimper sous le soleil et dans la douleur la belle colline qui surmonte la ville et le lac. Rappelons que Copacabana se situe à 3800m d'altitude (si on en croit wikipédia). A cette hauteur, monter 100m de plus est toute une aventure.

Le début du chemin de croix, vue en amont.

Le début du chemin de croix, vue en aval.

A mi chemin, un plateau aménagé avec des bancs et des tables en pierres destinées à recevoir les offrandes de fleurs et d'encens permet de souffler un peu, d'essorer ses vêtements trempés de sueur et d'admirer déjà un peu la vue splendide et silencieuse qu'on a sur le lac. On se rend compte alors que sa surface est animée d'une vie de fourmilière (aquatique), des bateaux vont et viennent: petits voiliers privés, gros bateaux touristiques, humbles jonques de pêcheurs... tout ce petit monde se croise paisiblement sur la route des îles.
Comme la contemplation du paysage nous a fait oublier un peu la dureté du chemin, on reprend sa route confiant.

Vue du plateau de mi-chemin
Encore une petite montée pour atteindre le sommet... ça ne s'appelle pas "chemin de croix" pour rien.

Tables à offrandes

 Tout en haut de la colline, écumants et soufflant comme de vieux chevaux, on peut enfin s'assoir sur de grosses roches et récupérer son souffle en méditant sur la beauté du paysage qu'on a la chance d'apercevoir.
Les tables à offrandes du sommet protègent du vent les bougies.

Le port de Copacabana vu du sommet du chemin de croix.
Le Lac Titicaca

Tout autour, des boliviens pique-niquent.
Un pique-nique à la bolivienne, c'est une grande marmite avec une soupe ou une viande en sauce chaude, une autre marmite avec du riz et une pile d'assiettes en porcelaine, c'est quand même plus joli, sans compter le sac avec les couverts et les verres en verre. On se demande comment ils sont montés avec les enfants, les bouteilles de bière, les lourdes jupes traditionnelles et les grand-mères, chancelantes mais ravies.


Il ne reste plus qu'à redescendre et à monter dans le bus pour Arequipa en regrettant d'avoir oublié son chargeur d'appareil photo, car la route qui longe le lac, entre Copacabana et Puno et tout simplement superbe. A vous de me croire sur parole.
Grâce à la compagnie "Señor de los milagros", on était bien certains que s'il n'y aurait pas de miracle concernant l'état des toilettes, on arriverait quand même sains et saufs, et ça, c'est déjà formidable!

Copacabana 2: La Isla del Sol

Il part plusieurs fois par jour des bataillons de bateaux à destination de la Isla del Sol, l'une des plus grandes îles du lac Titicaca. La Isla del Sol a un statut particulier: ni Bolivie, ni Pérou. Ils bénéficient d'une relative indépendance, et réclament pour toute formalité d'arrivée sur leur sol quelques bolivianos en échange d'un petit ticket.


Ayant choisi à notre insu le plus lent de tous les bateaux, nous sommes arrivés bien après les autres, ce qui ne nous laissait sur l'île, en tout et pour tout que 45 minutes. A peine le temps de s'élever au dessus du village pour avoir une vue d'ensemble.

Il règne sur l'île une ambiance clame (pas de voiture, mais des arbres, des fleurs et des rivières), mercantile (tout le long du sentier, des enfants en costume traditionnel vous courent après pour vous vendre des cailloux, des amulettes, ou une photo de leur alpaca: 2 bolivianos la photo), et mystique: le long des marches, un grand blond en costume de gourou (je ne vois vraiment pas d'autre mot), les bras levés vers le ciel, vous propose (moyennant une petite contribution, bien sûr) de vous emmener sur le chemin de la méditation pour vous y révéler quelques grandes vérités sur le monde et sur vous-même.On prétend d'ailleurs que l'eau de la fontaine en haut de l'escalier a de nombreuses vertus.

On monte vers elle avec espoir pour en boire quelques gorgées qui guériront les maux qui laissent la médecine impuissante (et on repart peut-être avec les boyaux tordus...) Magique ou pas, si court qu'ait été le temps que nous y avons passé, nous avons trouvé cette île bien belle et bien paisible, un petit havre de paix où il doit faire bon marcher entre les eucalyptus, sur les cimes des collines ou le long du rivage.



Le Lac Titicaca est le plus grand lac navigable d'altitude du monde. En fait, c'est surtout une magnifique étendue d'eau, aux confins de la Cordillère des Andes, autour de laquelle il règne, quelle que soit l'agitation du rivage, une sérénité et une douceur contagieuses. Il y fait froid le matin, froid le soir, mais lorsque le soleil est au zénith, le lac devient d'un bleu appétissant, et il faut se souvenir que l'eau est glacée pour comprendre pourquoi personne ne patauge dedans.






Le temple du Soleil
A Copacabana, on sert en abondance les truites directement pêchées dans le lac par les jonques en osier qui reposent dans le port une partie de la journée.


Si Copacabana et la Isla del Sol sont nourries par le tourisme, il n'est pas difficile d'imaginer à quel point la vie des gens qui vivent autour du lac et dans les montagnes autour est différente de tout ce que nous connaissons. Descendants des quechuas, pour la plupart, ils vivent toujours en costume traditionnel, dans des cabanes de fortunes où la douche froide est déjà un luxe, n'ont de la lecture et des voyages qu'une vague idée, et ne comprennent pas l'agitation des touristes qui passent avec leur guide entre les mains, leurs attentes précises et leurs illusions fragiles.
Alpaca d’apparat photographié clandestinement pendant sa pause. 
Avec les lamas, l'éternelle question: si je fais encore un pas, il crache?