lundi 21 mai 2012

... cobrador à Arequipa


Parmi tous les métiers de rêve qu'on trouve à Arequipa, il y a incontestablement celui de cobrador.

Si le chauffeur est le cerveau de la combi, le cobrador est la main, et c'est bien souvent lui qui donne le ton du voyage.
Le chauffeur grommelle, change de radio, freine, klaxonne, accélère brutalement pour freiner 15 mètres plus loin dans un nuage noir de gaz d'échappement et de pneus brûlés... C'est lui qui décide du rythme, mais sans le cobrador, il serait aussi impuissant qu'un manchot sans pattes.
Le cobrador connaît son chauffeur, sait comment il conduit, et penché par la porte ouverte de la combi, il fait avec la main tous les signes que le chauffeur ne fait pas: signaler qu'on va doubler, signaler à la voiture qu'on va se rabattre et que si elle ne freine pas rapidement, on lui éclate son rétroviseur, avertir qu'on va tourner même si les autres véhicules ne nous laissent pas passer... Le bon geste au bon moment, c'est à ça qu'on reconnaît le cobrador aguerri.
On peut en effet tomber sur un cobrador nouveau (peut-on dire "stagiaire?): le chauffeur lui fait alors régulièrement des remarques: "parle!" (pour lui rappeler qu'il doit annoncer les stations, rappeler aux gens de se manifester un peu avant leur station, et réclamer les paiements à temps, "plus vite!" (pour lui faire savoir qu'il est responsable si les passagers montent et descendent trop lentement), "ferme!!" quand il y a tellement de monde qu'on ne peut pas prendre un chiot en plus. Mais en général, quand le chauffeur crie "ferme!", le cobrador est déjà lui-même accroché à la poignée extérieure, l'ensemble du corps penché hors du véhicule, à la merci du moindre poteau, ou tout objet passant un peu trop près. Fermer la porte serait probablement sa priorité s'il pouvait écraser à l'intérieur du véhicule les quelques gros plein de soupe qui ruminent en prenant plein de place sur la plateforme.
Un soir de pluie intense, j'ai vu le malheureux cobrador accroché à l'extérieur, trempé comme une soupe, se faire insulter par les passagers auxquels il demandait de se serrer un peu et finir par courir à côté pendant une ou deux stations.
Car le cobrador a aussi la charge:
_d'organiser l'espace dans la combi. Il est fréquent qu'il prenne un passager à parti pour lui demander de mettre son sac sur le ventre, d'avancer vers le fond ou de se serrer contre son voisin (on pourrait proposer la même chose dans le metro parisien). Selon le degré de stress du cobrador, cela peut être assez discret ou franchement irritant "amigo, apease por favor!! Amigo, baja la mochila! Amiga, un poquito màs a la derecha...." (Mon ami, serre-toi un peu, s'il te plaît, mon ami, baisse ton sac, mon amie, un peu plus à droite, ...)
_ de récupérer les paiements. Si on n'a pas la monnaie exacte, la course coûte 80 centimes. Si on a la monnaie exacte, on peut payer 70 centimes. Pour les enfants scolarisés, c'est 40 ou 50 centimes.
Le cobrador doit se souvenir de qui a déjà payé, qui non, et de où vont les personnes qui lui ont demandé de les avertir au moment de leur arrêt. C'est pas très intellectuel, comme compétences, mais il faut tout de même une sacrée présence d'esprit pour y arriver!

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