mardi 31 mars 2009

La cuiller de Godbout


Godbout, c'est une ville (au moins 500 habitants!!!) de la côte Nord, au Québec. De Godbout, une fois par jour toute l'année, deux fois en été, part un bateau pour Matane, sur l'autre rive du Saint Laurent. C'est la dernière ville de la côte qui propose la traversée du fleuve.
Godbout, c'est aussi une très jolie ville, avec un musée amérindien que je n'ai pas visité, une rivière rouge, comme toutes les rivières de la côte nord, qui se jette dans le Saint Laurent, au bout de la route qui longe le rivage d'un côté, le village de l'autre. Sur cette route, j'ai rencontré Tintin et Milou plusieurs fois. Sérieusement. On ne s'est pas parlé, je ne peux pas vous dire s'il avait un accent begle ou québecois. Cette route et la rivière forment un angle droit tout au bout du village, et sur cet angle droit, se trouve un terrain inhabité et inexploité, sur lequel jusqu'à cet automne, il était permis de poser sa tente ou son camping-car pour quelques jours, tant qu'on ne gênait pas.
A Godbout, j'ai dormi pour la première fois en "camping sauvage", sachant qu'en l'occurrence, le mot "sauvage" n'est pas tout à fait approprié.
Mais c'est vrai que se laver dans une rivière qui a la couleur du thé noir sur un coin de rivage désert, et se laisser sécher par le soleil en comptant les mouches noires qui prennent commande autour de vous (le menu du jour, c'est salade de sang, gratin de sang, et glace au sang...), ça donne une impression de liberté qu'une douche avec ses trois murs protecteurs n'offre pas.

Godbout, c'est aussi là où j'ai compris pourquoi les québecois ne parlent jamais des "mouches noires", mais toujours des "asties de mouches noires", ou des "astie de tabarnak de mouches noires".
Enfin, Godbout, c'est là que j'ai définitivement compris que au Québec, quand quelqu'un vous offre quelque chose, on accepte, sans faire de manière. On m'a toujours appris à refuser d'abord une invitation, et à attendre que l'autre insiste pour accepter. En stop, c'est une très mauvaise technique, car si la voiture s'arrête, on monte (sauf si c'est manifestement le grand méchant loup qui est au volant, mais là, c'est une autre histoire). Si on commence à faire le concours du plus poli, on va surtout gagner celui du plus moisi, planté au bord de la route, à la merci des intempéries.
Quelques jours avant Godbout, j'avais perdu ma cuiller. Je n'avais pas eu le courage de la redemander à des gens qui m'avaient gentiment invitée à dîner, et n'osant accepter complètement, j'avais apporté mon beurre de cacahouète et ma cuiller comme contribution.
J'avais donc bien mérité de perdre ma cuiller, et la leçon était bien passée.
A Godbout, session de rattrapage: lorsque mes voisins de camping sauvage (sauvage: le camping, pas les voisins) m'ont invitée à dîner, j'ai accepté avec plaisir, sourire, et sans me faire prier. La vie m'a récompensée pour avoir bien appris la leçon, car lorsque je racontai l'histoire de la cuiller à mes hôtes, ils m'en offrir une immédiatement.
C'était ma cuiller de Godbout. On en avait fait beaucoup des kilomètres, ensemble.
Elle me suivait partout, dans la poche de mon sac, et me faisait gagner le respect de bien des gens moins prévoyants, qui se retrouvaient, pour une raison ou pour une autre, en manque de cuiller, et à qui je la prêtai alors avec un sourire condescendant et en ajoutant du bout des lèvres qu'"elle s'appelle reviens".
Mais la vie qui donne reprend, et la leçon suivante fut plus dure.

Dans mon sac de Valence, il y avait la cuiller de Godbout. Que vaudra-t-elle pour ceux qui me l'ont volée? Que dalle! J'y ai plus perdu qu'il n'y ont gagné.

S'il te plaît, lecteur que je prends la liberté de tutoyer sans être bien sûre que nous avons gardé les cochons ensemble, peux-tu faire une minute de silence pour la cuiller de Godbout que je ne retrouverai jamais?

Mais que fait la police?


Debout au bord de la route qui longe la rivière Matapédia, je suis sur la rive québécoise (de l'autre côté de la rive, c'est le New Brunswick, ou le Nouveau Brunswick, puisque c'est la seule province officiellement bilingue du Canada) à regarder passer les voitures, le pouce levé et ma pancarte "Matane" gribouillée à la va-vite.
Je me livre à une gymnastique facilement ridicule: manger une banane écrasée d'une main, garder un beau sourire plein de pulpe de banane, pour les voitures, et tenir la pancarte avec la seconde et dernière main.
Je suis partie à 7h du matin de la banlieue de Miramichi. J'essaie d'arriver à temps à Matane pour prendre le bateau pour Godbout ou Baie Comeau (de l'autre côté du Saint Laurent, parce que à la nage, c'est vaguement hardcord). Je ne sais pas si mon pouce a l'air stressé à l'idée de ne pas arriver à l'heure, mais les voitures n'ont pas l'air convaincues qu'elles vont faire une bonne affaire si elles se chargent de la petite montagne de sacs et de manteaux qui se barbouille de banane sur le bord de la route. Et puis comme il fait beau, elles ne se donnent même pas la peine de ralentir pour montrer qu'elles ont mauvaise conscience de me laisser prendre racine. Le temps passe et je commence à me demander sincèrement s'il y a un problème: ai-je plus que de coutume l'air d'une junkie? suis-je particulièrement mal placée? Pourtant, ce n'est pas un tournant, ce ne sont pas des zébras, la vue est dégagée, il a y a un large bas-côté pour s'arrêter confortablement... Ce n'est quand même pas ma banane écrasée qui fait fuir?
La réponse à ma question apparaît sous forme d'une voiture de police en vadrouille. Quand je la vois arriver, tout doucement, je range mon bout de banane écrasé, et j'arrête complètement de bouger, histoire de ressembler le plus possible à un poteau électrique. Il faut croire que je ne suis pas encore au point dans l'art de devenir un poteau à volonté, parce que la voiture de police freine de plus en plus, et s'immobilise à côté de moi.
M. Police: "Salut, tu vas où?
Moi: A Matane.
M.Police: c'est pas clair sur ton panneau, on voit pas bien.
Moi: Ouais, je sais, mon crayon est mort pendant que je faisais la pancarte.
M.Police: Ouais, mais comme ça, personne va s'arrêter, là.
Moi: Ben vous auriez pas un crayon ou un stylo, alors, s'il vous plaît?
M.Police: si, bien sûr, attends."

M.Police sort un stylo de sous un fauteuil et me le tend. Je me dépêche de mettre en relief les lettres trop pâles, mais M.Police ajoute:
" Nan, mais prends ton temps."

Quand je lui ai rendu son stylo, M. Police m'a souhaité bonne chance et a crissé son camp, relax, banal, ordinaire...

Grâce à M.Police, deux minutes plus tard, un camion s'arrêtait.

Donc pour ceux qui se posaient la question: oui, l'auto-stop est officiellement permis au Québec, pour ne pas dire encouragé.

dimanche 29 mars 2009

30 mars

Pendant de longues années, pour mon anniversaire, on me préparait, à mon explicite et insistante demande, une charlotte au chocolat.
Pendant de longues années, pour mon anniversaire, je recevais un cadeau très spécial d'une personne qui ne l'est pas moins: spéciale.
Pendant de longues années, quand je soufflais mes bougies et que j'ouvrais mes cadeaux, mon frère m'offrait une complainte fraternelle du temps qui passe.
"Marjolaine, tu es ma petite soeur, et chaque fois que tu souffles une année de plus sur une charlotte au chocolat, tu prends un an et je prends un siècle. Tes ans me pèsent beaucoup plus, parce que sur toi, je les contemple couler, c'est bien plus net que sur moi, parce que toi, tu es en face de moi, et moi je suis moi. Bref, quand tu souffles tes bougies, je suis vieux.
Marjolaine, petite soeur, te rends tu bien compte que cette année que tu souffles, c'est son enterrement que tu célèbres? Te rends tu exactement compte que tes 17, 18, 19, 20, 21, 22, 23 ans, ne reviendront jamais. Ils sont là, encore tous proches, tous chauds, tous souples et nets, mais ils sont morts, ils vont refroidir, se raidir, devenir flous, se dissoudre dans ta matière grise et rendre grisonnante ta mémoire émue... et toi tu es là, tu souris en savourant du regard ta charlotte au chocolat... Inconsciente."
Merci, frère. Ce qui m'a toujours touché dans ces discours, c'est que tu m'offres la responsabilité de représenter ton temps qui passe!
Maintenant, c'est ton anniversaire. A ti te toca.

Devine ce que je t'offre?!

"Grand frère, tu souffles tes bougies aujourd'hui. Et comme chaque année depuis 26 ans, tu n'as pas pu t'empêcher de prendre un an de plus. Incorrigible. Sais tu bien que si tu continues à prendre un an chaque année, tu finiras par en avoir une pesante collection? Le poids des ans, surcharge pondérale chronologique et chronique, voilà ce qui t'attend!!
Fichtre, et moi ta petite soeur, je te regarde, et je sens bien que les années que tu prends, tu ne résisteras pas au plaisir de me les offrir quand tu n'en voudras plus... Cesse donc, frère!! A chaque année que tu prends, tu en laisses une autre, et que crois tu donc? Qu'elles reviendront? Qu'elles restent dans ton sac à temps? Alors tu te goures! Il est percé ton sac à temps! Et tu es là, tu rigoles, tu fais le malin... Inconscient!
Mais frère, ces années que tu prends, force est de constater que tu les remplis si bien qu'il serait impossible de faire rentrer plus dans chacune... il faut donc bien en changer si tu veux poursuivre!
Continue pendant de longues années à user chaque année jusqu'à la corde, frère, c'est bien le seul moyen de garder la ligne chronologique.
Continue pendant de longues années à nous donner un bel exemple de sang froid et d'humour noir face aux heures qui coulent et ne suspendent pas leur vol.
Continue pendant de longues années à souffler tes bougies en philosophant, car à tant raisonner, c'est l'écho de toute cette matière grise en ébullition qui résonne dans les couloirs tordus de nos mémoires frivoles..."

Bon anniversaire, Cyprien.

samedi 21 mars 2009

J'avais de belles photos de Valence en Fallas à vous montrer...

Et voici Miss Warrior 2008 qui reprend haut la main la tête du peloton!!

Comme ces derniers mois, je n'ai pas appris beaucoup de choses par la fac, la vie ne voulait pas me laisser chômer plus longtemps, et c'est ainsi que je sors d'une violente session de rattrapage dans ma matière principale: les voyages et les gens.

En peu de mots, je vous plante le décors:
J'étions partie pour Valence avec mon coloc, qui n'y avait jamais les pieds et comptait donc sur moi pour lui faire les honneurs et du lieu et des Fallas, qui atteignaient leur point culminant quand nous arrivâmes. Nous avons vu le feu d'artifice de 1h30 du matin, superbe comme de bien entendu, une orgie de poudre, une tempête de couleurs, une débauche des euros durement gagnés des impôts municipaux (oui, rabat-joie un jour, rabat-joie toujours). J'ai, je crois, réussi de très belles photos du feu d'artifice, et de la foule à perte de vue qui commence à s'agglomérer vers 21h, et ne cesse de croître jusqu'à la fin du feu.
Nous avons aussi fait un petit tour des Fallas, ces énormes statues de papiers mâché et de polystyrène, fabriquées par les habitants de chaque quartier, mais probablement dessinées par un ingénieur unique pour toute la ville, car elles ont toutes le même style de laideur et d'humour (je serais tentée de dire "pourri", mais ce serait médire, c'est juste l'aigreur d'être exclue de cet humour de "private joke" d'un quartier à l'autre). Nous avons passé de concert en concert, à chaque coin de rue, une scène est montée, et l'on peut passer de la chanson mièvre au rock poussif en quelques pas. J'avais d'amusantes photos de ces scènes en délire à portée de main des fenêtres des gens qui vivent là.
Nous avions fini dans un bar très tranquille (oui, en période de Fallas, rien de plus tranquille qu'un bar), à discuter sur l'origine des Fallas et leur esthétique discutable, et sur le finalement bienfondé de les brûler à la fin de la fête.
Nous avions ensuite dormi dans la voiture, fort mal garée sur un trotoir. Je crois que j'avais dormi à peu près 3h. A huit heures, après trois longues heures de pause, les pétards ont repris: un quartier sur deux a lancé une mascleta, et les autres préparaient les suivantes, pour prendre le relai et s'assurer que le silence n'aurait jamais l'occasion de s'installer plus de trois ou quatre secondes sur la ville.

Au fait, gentil et patient lecteur, je ne te l'ai peut-être pas encore dit, mais cet article va être très long. Tu es bien assis? Tu t'es servi un petit verre de vin avec des glaçons et du coca-cola? (ah ben non, c'est vrai, tu es français, petit lecteur, et les français ne mélangent pas leur cabernet-sauvignon avec le sang marron et piquant du capitalisme américain. Autant pour moi.) As-tu éteint ton téléphone et envoyé se faire foutre tous les importuns susceptibles de venir te faire savoir que tu vas bientôt passer à table, que tout est prêt, chaud et bon, et que le couvert est mis?

Après un réveil rendu tellement plus facile et agréable par cette impression d'ouvrir les yeux et surtout les oreilles sur une ville en guerre, et par une fanfare venue répéter juste à côté de nous (la musique adoucit les moeurs), il devenait indispensable de prendre un petit déjeuner digne de ce nom, ce que nous fîmes dans la meilleure horchateria de Valencia, qui se trouvait, que casualidad! à deux minutes à pied.
La horchata, pour ceux qui n'avaient pas eu la bonne idée de venir me voir quand c'était à portée de main tous les jours à Valence, c'est la boisson de Valence par excellence. Bon il y a aussi "el agua de Valencia". Il ne s'agit pas de l'eau du robinet, qui est juste ignoble, mais d'un savant mélange d'eau de vie, de jus d'orange et de sucre, et puis de tout liquide ou substance sucrée qui vous tombent sous la main si vous trouvez que trois ingrédients, c'est pas assez funky. Le but est de se torcher vite fait bien fait. La horchata, rien à voir.
La horchata est fabriquée à base de chufa, un tubercule qui pousse sur (ou plutôt sous) les riches terres de Valence. Les tubercules de chufa ressemblent un peu à des cacahouètes. Elles sont pressées dans ce genre de grosses machines près des quelles on ne vous recommande pas de laisser traîner vos doigts, et le suc exprimé est mélangé à de l'eau (ni "el agua de Valencia", ni l'eau du robinet, mais de l'eau de source, je suppose) et du sucre. Ca donne une boisson laiteuse, blanc cassé tirant vers le brun. On peut la boire liquide à température ambiance, glacée sous forme de granité, ou mélangée liquide et granitée, ce qui des trois est la meilleure combinaison. Dans certaines horchateria, on vous la propose même sous forme de glace, je ne sais pas pour quelle raison idiote et fallacieuse, je n'ai jamais goûté et ne peux donc pas vous dire si ça vaut le coup de se payer un aller-retour pour Valence.
Dans la horchata, on trempe des fartons caseros, c'est à dire fait maison. ce sont des rouleaux de pâte feuillettée molle et sucrée. Rien d'extraordinaire sans la horchata, mais l'air de rien, ça vous nourrit en plus de vous faire passer un agréable quart d'heure.
(oui, je vous avais prévenu, ça va être un long article).
A deux heures, sur la place de la mairie, nous avons assisté à la mascleta. Ca y est, je vous explique ce que c'est qu'une mascleta.
La mascleta est une spécialité dont Valence a su faire un art, et ce n'était pas gagné au début! Les valenciens sont de très grands fans de pétards. Non, je ne vous conseille pas d'essayer de les fumer, ces pétards là, vous risquez d'en prendre plein le nez. Pendant tout le mois de mars, tous les Valenciens dépensent plus d'argent en pétards qu'en électricité. Ca va du pétard taille 8 mois au pétard XXXL. La mascleta, c'est le sommet de l'art du pétard: c'est un concert de pétard. Ca commence très doucement, et le son monte cresendo pendant 5 ou 6 minutes. Les deux dernières minutes, tout résonne, le sol, l'air, les murs, les cages thoraciques, les gorges, les pieds, tout. J'ai horreur des pétards, mais la mascleta a quelque chose d'ennivrant et d'exaltant, on se sent comme un brin d'herbe d'aéroport juste au dessus duquel s'envole un avion. J'avais réussi un bel enregistrement de la mascleta. Pas de quoi faire vibrer l'ordinateur, mais de quoi vous faire comprendre de quoi il retourne.
Après la mascleta et un thé dans un bar du Carmen, l'ancien quartier des prostituées, qui est maintenant le quartier des bars, ce qui lui a permis de rester le quartier de la vie nocturne - on ne se débarrasse pas facilement de ce genre d'habitude - nous avons repris le chemin de la voiture, et en voiture, celui de la plage. Entre les sens uniques et les rues barrées pour cause de grosse Fallas installée là, il nous a fallut presque trois quart d'heure et beaucoup de patience pour parvenir à nos fins et à poser les pieds dans le sable fin de la plage de Valence. L'eau était calme et belle, le soleil baissait sereinement, il faisait un peu froid. Puis, mon coloc m'a déposée dans le centre et a repris le chemin de Murcia, car il travaillait le landemain. Il était un peu préoccupé de me laisser seule dans cette ville en délire, sans place dans une auberge de jeunesse, sans connaître personne, et je le rassurai allègrement sur mes grandes capacités d'adaptation.
Je me suis un peu promenée, mais comme j'étais lassée des pétards et des explosions, et des gens bourrés qui gueulaient et riaient grassement, assis dans des marres de pisse, avec du vomis au coin des lèvres, je me suis acheté un carnet, une bouteille d'eau et un paquet de stylos de très mauvaise qualité et me suis installée dans un bar jazz où j'aurais pu ne pas exister, puisque personne ne vint jamais (en deux heures) exprimer la moindre curiosité pour ce que je voudrais boire ou manger.
Lassée de cette indiférence, et comme de toutes façons, je ne voulais ni alcool ni jus de fruits en bouteille, je suis partie, et me suis installée dans le bar où nous étions venus dans l'après midi, et où on nous avait servi de fort bon thés.
Là, on m'a fait savoir qu'on ne servait pas de thé à l'étage, je suis donc redescendue, et me suis assise à une table haute et peu confortable. Les serveuses ont mis très longtemps à réaliser que j'étais là, pour finalement m'apprendre qu'on ne servait plus de thé à cette heure là. On avait commencé à brûler les Fallas en grande pompe, et je suivais à travers la vitrine du bar l'immolation par le feu de l'horrible statue de la place de Tossal où se trouve le bar. Deux minutes après avoir commandé et payé un jus d'ananas, je me suis rendue compte que mon sac avait disparu. Quand je dis disparu, je veux dire que son absence sautait aux yeux de façon très douloureuse. D'autant plus douloureuse que sa présence quelques minutes auparavant était évidente et tangible.
J'ai interrogé d'une voix inquiète tous les gens qui se trouvaient là et qui ont tous manifesté une indiférence assez totale pour la disparition de mon sac. Le portier n'avait rien vu, la serveuse n'avait rien vu, personne n'avait rien vu, et à part un petit geste de la serveuse pour me faire savoir qu'elle faisait semblant de compatir, mais que ce serait pas mal que je me calme et que j'arrête de pleurer, histoire de ne pas foutre en l'air la bonne ambiance dans le bar, tout le monde a eu l'air de trouver cette situation complètement dénuée d'intérêt.
Bon, lorsque j'ai réalisé que j'avais mon pull beige autour des hanches et mon écharpe autour du cou, j'ai tout de même un peu moins capoté. Mais la liste des pertes était longue et parsemée d'objets soit très utiles: une carte d'identité, un permis de conduire, une carte bleue, un téléphone, de l'argent... soit de grande valeur: un appareil photo qui en faisait pâlir d'envie plus d'un, soit de grande valeur sentimentale: un couteau suisse porte-clé que m'avait adorablement offert ma petite soeur il y a un an.
Complètement en larmes, et stupéfaite que personne dans le bar n'ait accepté de m'accompagner au commisseriat pour porter plainte, alors que je leur avais expliqué entre deux hoquets que je n'avais plus ni papiers, ni téléphone, ni argent, que je ne connaissais personne a Valence et que je n'avais pas d'endroit ou dormir, et que accessoirement, ils étaient témoins de la scène, même s"ils "n'avaient rien vu, pas pantoute ma bonne demoiselle..." j'ai déboulé dans le bureau de police municipale, où un pauvre homme seul a fait preuve d'un peu plus de compassion pour mon cas.
Après avoir bloqué mon compte et décrit tout ce que je possédais dans ce sac, il m'a expliqué que je devais aller porter plainte au commissariat de police nationale, puis me rendre a la casa caridad, un hospice où il m'avait trouvé une place, et où on m'attendrait le temps qu'il faudrait.
J'avais alors les pieds particulièrement douloureux, car une ampoule poussait sur chacun de mes talons, et la nuit allait être longue. Mais rien de tel pour vous réveiller et vous donner un bon coup de punch que de se retrouver nu et vulnérable en pleine nuit dans une ville en état d'ivresse.
Au commissariat de police nationale, on m'a reçu avec gentillesse, mais j'ai dû attendre presqu'une heure et demi qu'un couple de bourgeois madriléniens finissent de raconter comment des salopards de sales chinois de mierda les avaient attaqué et leur avait volé un de leurs deux sacs, et ce qu'il faudrait que la police fasse pour que les gens arrêtent une bonne fois pour toute de faire du mal aux autres gens, car c'est insupportable de penser que des chinois, ou des arabes, ou des Noirs peuvent comme ça vous agresser, et pourquoi pas vous violer et vous assassiner, tant qu'on y est, sans que la police ne puisse rien faire. D'ailleurs, la dame m'expliqua que je ferais mieux de rentrer chez moi en France, parce que si je me faisais violer, voler ou assassiner, le fait d'être à deux pas de chez mes parents annulerait une grande partie de l'horreur du crime, et ferait économiser à mes parents le voyage qu'ils n'allaient pas manquer de faire dès qu'ils sauraient que leur petit poussin se retrouvait dans la merde. Comme je répondais de moins en moins au fur et à mesure que ses propos et sa voix de poissonnière me devenaient plus insupportables, elle adressa la suite du discours au policier qui faisait la permanence dans la salle et qui fit preuve d'une patience exemplaire. Moi, je regardais les mains du mari de la crécelle madrilène qui s'agitaient dans la salle a côté où la policière prenait sa déposition, et je devinais que monsieur tenait là-bas plus ou moins le même discours que madame ici, et vu comme la policière ne savait plus où mettre ses pieds sous la table, je pense que si on avait voté pour foutre à la porte ces deux superhéros ménopausés, ils auraient dégagé par la voix des airs à l'unanimité et en quatrième vitesse.
Ils ont fini par partir et on a fini par s'occuper de moi. J'ai fait savoir sur un ton geignard que j'apprécierais beaucoup que l'on trouve une voiture pour me mener à la casa caridad, parce que j'en avais déjà vu des vertes et des pas mûres, et que là, marcher vingt minutes toutes seule à 3h30 du matin dans la ville était à peu près la dernière chose dont j'avais envie. Devant l'accord compatissant et le regard désolé des deux policiers, je découvris une chose inédite: la jouissance de jouer le rôle de la victime. Il me suffisait maintenant de brandir ma situation presque caricaturalement désespérée pour qu'on m'ouvre de nombreuses portes. C'est sûr, si on m'avait éclaté une arcade sourcilière en me volant mon sac, ç'aurait été encore plus spectaculaire, mais rien n'est parfait.
10 minutes en tout et pour tout me furent suffisantes pour faire ma déposition: je parlais espagnol, j'avais tout perdu, je n'avais rien vu, je ne pouvais accuser personne, je ne pouvais joindre personne, puisque mes contacts étaient tous dans mon sac qui avait disparu.
Vers 4hoo du matin, deux policiers me déposaient à la casa caridad, en vérifiant qu'on m'ouvrait la porte, qu'on savait qui j'étais et qu'on allait s'occuper de moi.
Vers 4h15, les deux surveillants m'avaient gentillement écoutée, avaient compati sans réserve, et m'avaient expliqué que pour comble de malheur, ici, on se levait tous et tous les jours à 7h00, et que cette règle ne souffrait pas d'exception. A 4h20, seule dans une petite chambre parfaitement propre, je réalisais que je me trouvais pour la première fois de ma vie de l'autre côté de la barrière, du côté de ceux qui ne peuvent subvenir à leurs besoins et doivent ranger dans leurs poches trouées leur amour propre, et accepter sans condition l'aide de ceux qui acceptent de s'intéresser à eux.
En 4h, j'en avais franchi, des "premières fois" et des barrières. Ca fait toujours mal, la première fois, il parait.
Endormie vers 4h50 et réveillée à 7h00, ça aussi ça fait mal. Remettre ses chaussures avec un demi litre d'eau dans les ampoules des deux talons, ça fait trop mal. C'est donc avec mes chaussures à la main et en chaussettes que je fis une entrée très remarquée dans la salle à manger de la casa caridad. Une jeune française souriante, à laquelle on ne donne généralement pas plus de 18 ans et qui débarque en chaussettes avec des valises sous les yeux, ça faisait beaucoup pour une seule femme. C'est donc sans aucune malveillance que plusieurs personnes sont venues s'enquérir des raisons de mon déchaussage et de ma présence ici, et ont manifesté leur compassion pour ma dégringolade nocturne, assaisonnée d'avis sur la question, de conseils et de récits d'expériences personnelles.
A 7h50, à petits pas douloureux, j'arrivai à la porte du centre d'aide d'urgence aux immigrés récemment arrivés, où l'on m'avait conseillé de m'adresser. Un groupe d'hommes attendait déjà. Si mon arrivée avait été remarquée dans la cantine de l'hospice, elle détonna franchement dans la file d'attente des immigrants. Seule femme, seule, jeune, française, tout le monde voulait savoir pourquoi j'étais là, ce que j'allais faire, comment j'allais m'en sortir, et quelques uns m'ont fait savoir que désormais, j'étais avec eux, et que sur la vie de leur mère, ils allaient mettre la main à la pâte pour me sortir de là. Venant de gens qui n'ont pas la possibilité de faire des projets pour plus d'une demi-journée parce toutes les merdes du monde peuvent leur tomber dessus à chaque seconde, ça faisait chaud au cœur (s'interroger sur les intentions qui les poussaient à me faire de généreuses offres ne servait absolument à rien dans cette file d'attente, et pour une fois, prendre les choses au premier degré était vraisemblablement la meilleure chose à faire).
Quatre heures et une demande en mariage plus tard, j'entrai dans le bureau de l'assistante sociale, et nous tombâmes d'accord très vite pour décider que le plus urgent pour moi était de rentrer à Murcia. Pendant que j'échangeais quelques nouvelles d'urgence avec mes colocs et ma famille sur le poste internet gratuit de la salle d'attente, l'assistante sociale faisait pour moi des miracles.
Trois quart d'heure plus tard, elle me donnait une enveloppe avec un billet de train pour Murcia gracieusement offert par la mairie de Valence, et m'engageait à retourner manger à la casa caridad.
En chemin vers l'hospice, je croisai quelques compagnons de galère de la matinée et nous échangeâmes des nouvelles sur les résultats de nos démarches matinales respectives. Dans la file d'attente pour le repas de midi, je connaissais déjà quelques personnes et engageai la conversation avec un vieux portugais, José, qui me raconta comment et pourquoi son quotidien était devenu difficile à assumer financièrement, quels pays il avait vus, et comment il allait d'ici peu repartir pour le Portugal, car chômage pour chômage, autant chômer chez soi.
Le repas fut très agréable, José, intarissable parlait géographie et économie, et j'échangeais avec mon voisin sénégalais des yaourts contre des beignets de poulpe. La conversation devint franchement intéressante lorsque le sénégalais et José entreprirent de parler de l'histoire de Casamansa et des relations entre le Sénégal et l'Angola depuis la colonisation portugaise. L'avis d'un portugais et l'avis d'un sénégalais. Les deux en savaient beaucoup sur la question, et n'exprimaient aucune rancœur ni aucune haine pour la culture de l'autre.
Le repas était géré par deux ou trois personnes en blouse blanches, chargées de remplir les carafes, d'indiquer les places libres aux nouveaux arrivants, et de vérifier que tout se passe bien. La casa caridad est située juste à côté du Jardin botanique, et bénéficie de la beauté des arbres et des fleurs qui y poussent. C'est un beau bâtiment blanc, vaste, clair et propre, géré par une œuvre de bienfaisance privée, et qui dépend donc des dons des communautés et des particuliers, et non pas de la mairie ou de l'Etat.
Vers 14h, chargée d'un balluchon de nourriture pour le voyage, je partai à très petit pas vers la gare de Valencia, prête à récupérer ma vie de personne nantie et protégée du besoin par un confortable coussin d'assurances diverses et variées.
Papa, je suis absolument désolée d'avoir perdu l'appareil photo. C'est une perte irrécupérable, et qui va vous priver, exigeants lecteurs, de la fenêtre que je voulais vous ouvrir à travers ce blog sur Murcia, l'Espagne et la vie que je mène ici.
Mais ce voyage dans un Valence que je ne connaissais pas restera un souvenir très positif, d'autant plus positif que la compassion, ce sont ceux qui n'ont rien qui me l'ont offerte, là où ceux qui n'ont besoin de rien, dans le bar, n'avaient manifesté qu'un peu de curiosité pour ma panique désespérée, et un vague ennui pour cet épanchement de larmes en pleine fête des Fallas.
Si je continue à pousser aussi loin l'art de l'amateurisme en voyage, je pourrai bientôt prétendre à une chaire en faculté.
Me voilà comme Martin, le jars dans L'Extraordinaire voyage de Nils Olgerson: Je m'en prends plein la gueule parce que je n'y connais rien, mais je continue à me prendre pour un oiseau de passage.
Un jour, qui sait...

lundi 16 mars 2009

Mercadona, doooona dooooooona, tu regretteras le temps...


Mercadona, c'est THE référence en matière d'épicerie espagnole.
On y trouve principalement la marque Hacendado, qui est la marque du Mercadona. Un logo tout simple.
Hacendado, c'est tout dans la simplicité: des produits espagnols de la vie de tous les jours, allant de la charcuterie à la crème fraîche à fouetter. Pour les produits d'hygiène, c'est Deliplus qui s'y colle, et pour les produits d'entretien Bosque verde (forêt verte), qui a dû en faire jaunir et disparaître, des bosquets, depuis sa création!!
En fait, c'est pas compliqué, quand on entre dans un Mercadona, on se sent tout de suite chez soi pour les espagnols, et en Espagne pour les autres. Déjà, l'odeur. Comme chaque supermarché, Mercadona a une odeur à lui. Le cocktail Mercadona, c'est un subtil mélange de:
_ charcuterie, biscuits, produit pour le sol, lait, plastique, pieds, orange.
Carrefour, par exemple, ce n'est pas pareil. Carrefour sent beaucoup plus fort le produit pour le sol, le tissu, le plastique... Ce ne sont pas de bonnes odeurs de maison, qui donnent faim et qui rassurent. Ce sont de grosses odeurs de consommation de masse. Carrefour sent ce qu'il est: un consommoire de masse, très professionnel et propre, tout à fait impersonnel, où chacun peut apporter ses rêves et ses désirs, et les poser sur le sol sans craindre qu'ils ne s'infectent, où chacun peut se voir se consummer à petit feu dans la fièvre de la consommation.
A Mercadona, ça sent comme la maison d'une gentille grand-mère. C'est vrai que les premiers passages à Mercadona sont destabilisants pour l'étranger nouveau venu: très peu de yaourts danone dans le rayon frais, pas de glaces nestlé, pas de céréales kellogs, pas de produits exotiques.
Que des produits espagnols qui sentent bon le terroir. D'ailleurs, les quelques produits qui n'appartiennent pas au quotidien hispanique et aux quels on a tout de même daigné faire une petite place au fond du rayon qui est au fond du magasin ont un air maladroit et gêné car ils sont trop ou pas assez emballés, mal vantés, et semblent tout à fait au courant qu'ils partent vaincus sur leurs voisins académiques.
Il m'en a fallu, du temps, les premiers mois à Valence, pour trouver une tablette de chocolat noir!! Elle avait l'air d'un petit marsouin perdu dans un élevage de lévriers!

Ce que j'essaie de vous faire comprendre, et que vous avez peut-être compris depuis quelques paragraphes, c'est que Mercadona, c'est le temple espagnol de l'épicerie. C'est LA référence en laquelle tous les espagnols ont confiance. TOUS les espagnols ont des produits "Hacendado" chez eux. Chez Mercadona, tout est de bonne qualité, et il y a quelque chose d'un peu communiste dans l'absence de variété des produits. Mais c'est ça qui inspire confiance.

Comment aurais-je douté moi-même, quand je voyais les autochtones si sereins?

Et pourtant!...

Il y a quelques temps, au court d'une anodine conversation sur l'intérêt indiscutable de boycotter les produits nestlé, le mythe Mercadona s'est lamentablement cassé la gueule sous mon nez et au fond de mon coeur.
Mercadona, depuis longtemps, mais plus encore en ces temps de crise, a recours au système des "marques blanches". Les "marques blanches", c'est une grooooooooosse traîtrise, un moyen très pervers de prendre le client pour un abruti.

Prenons au hasard l'exemple d'une jeune personne qui boycotterait les produits nestlé à cause des casseroles sanglantes qui leur collent au train. Cette jeune personne aime beaucoup le chocolat. On peut effectivement boycotter nestlé et aimer le chocolat, rien d'incompatible là. En achetant pour presque rien une tablette de chocolat noir Hacendado, cette jeune personne est contente car elle se dit:
_ C'est pas très cher, je vais pouvoir en manger plus!!
_ C'est un produit local, donc ça fait travailler l'industrie locale, donc c'est économiquement sain.
_ Encore 70 centimes que nestlé n'aura pas!! Gniark gniark!!

Cette jeune personne ne sait pas que son chocolat est une "marque blanche", c'est à dire que:
_ Pas un espagnol n'a gagné un centime à le fabriquer ou l'emballer.
_ Les producteurs locaux, en revanche, sont morts étouffés, puisque personne ne les connaissait ni n'achetait leurs produits.
_ Et du coup, c'est peut-être bien nestlé qui a encore tué quelques enfants en fabriquant cette tablette de chocolat pour un prix défiant toute concurrence!!

Mais comment cette jeune personne le saurait-elle? Ce coup bas n'est mentionné nulle part sur l'emballage, et ce n'est sûrement pas Mercadona qui va se vanter ouvertement de se foutre de la gueule des clients et de participer à mettre son pays au plus bas!!

Je veux bien ne pas voir le mal partout, mais ce ne serait pas mal si "partout" m'aidait un peu!!

lundi 9 mars 2009

Tarte à gueule (à la récré)

Pour 4 à 6 personnes, selon l'appétit:

Pâte:
150g de farine
80g de beurre mou (mais pas fondu)
1/2 verre d'eau tiède
1 pincée de sel
1 c. à soupe de moutarde forte

Garniture:
4 ou 5 oignons
1 grosse pomme
2 c. à soupe de moutarde forte
1 buche de chèvre
1 c. à soupe d'huile d'olive

Préparation:
Pâte:
Mettre dans un saladier la farine et le sel. Ajouter le beurre coupé en dés, la moutarde, et une partie du demi verre d'eau. Mélanger de façon à obtenir le plus vite possible une pâte avant que le beurre n'ait fondu et qu'il ne se soit totalement mêlé au reste.
Lorsque vous avez une boule aux couleurs non-homogènes, posez la dans son saladier, et laissez la dormir une petite demi-heure au frigo.

Tarte:
Préchauffez votre four à 180°
Pendant que la pâte fait de beaux rêves, coupez les oignons (il n'est pas nécessaire de faire des morceaux très fins et petits), et jetez les sans un mot de politesse dans une poêle chaude avec l'huile.
Couvrez. Laissez cuire à feu moyen dix minutes un quart d'heure. Quart d'heure que vous mettrez à profit pour peler la pomme et la couper en fin quartiers.
Jetez un coup d'œil aux oignons, tournez si ça crame, salez et poivrez. Recouvrez. Vous ne les libèrerez de la cuisson que lorsqu'ils seront un peu bronzés et bien ramollis.
Une fois plus ou moins passée la demi-heure, allez réveiller la pâte, ne la malaxez pas. Sur une surface plane et propre, étalez une poignée de farine, puis posez la pâte que vous étendez avec un rouleau à pâtisserie (ou une bouteille de vin ou de bière vide, pour ceux qui lèvent plus souvent le coude qu'ils ne mettent la main à la pâte).
Au fond du plat, étalez une noisette de beurre, puis jetez un peu de farine, que vous répartissez sur l'ensemble de la surface en lui donnant de petites secousses.
Installez confortablement la pâte dans le plat, vérifiez qu'elle n'a pas de trous, et qu'elle est plus ou moins d'épaisseur égale partout.
Tartinez deux bonnes cuillers à soupe de moutarde directement sur la pâte, puis déposez artistiquement les quartiers de pomme.
Déposez alors délicatement le contenu de la poêle là-dessus, de façon homogène, et pour couronner le tout, coupez la bûche de chèvre en rondelles que vous répartissez sur toute la surface de la tarte. Si les bords de pâte sont élevés, repliez-les sur la garniture. Mais ça, c'est en option.
Au four. Entre 20 et 30 minutes (plutôt 30 que 20, mais ça dépend de comment vous voulez la pâte, le fromage et les oignons).
Se mange chaude ou tiède ou froide.

Une variante possible: ajouter des cerneaux de noix et/ou du miel.

Bon appétit!

samedi 7 mars 2009

24h dans la vie de mon pull beige

Vendredi 6 mars 2009, je ne me suis pas levée pour rien, le matin.

Et pourtant j'ai mis du temps à me lever. Comme bien souvent ce temps-ci, mon réveil a sonné à 9h, et vers 10h15, je posais bravement un pied par terre. Ce n'était pas faute de savoir que ce vendredi allait être chargé en évènements importants, mais je m'étais encore une fois couchée à une heure où les honnêtes gens entament leur troisième ou quatrième cycle de sommeil profond. C'est le genre de chose qui ne pardonne pas le matin quand "bipbip-bipbip-bipbip!"

En petit-déjeunant, j'ai croisé Jan, mon coloc allemand qu'un avion attendait à Alicante à 19h45, direction Bremen. Ce soir, Nadia deviendrait notre nouvelle coloc allemande. Mais je n'avais guère le temps de me laisser aller à réfléchir à tout cela plus en profondeur, car ce matin là, à 13h, je donnai mon premier cours de français à deux enfants, et j'avais prévu de leur faire voir un petit court métrage sans paroles, sur lequel je les ferai ensuite parler, pour évaluer leur niveau. C'est juste qu'à onze heure du matin, j'avais bien une petite idée, mais je n'avais encore complètement décidé du court métrage.
Je retournai donc bien vite dans ma chambre, où je croisai Aurélie sur msn pour la première fois depuis une semaine. Ceux qui sont allés faire un tour sur son blog savent pourquoi elle n'avait pas manifesté sa présence pendant plusieurs jours, et toute à la joie d'avoir de ses nouvelles, le choix du court métrage passa au second plan.
Bon, vers 12h, j'avais choisi un petit film de 2 minutes, sans paroles, simple et ludique, relu mon cours (ben oui, pour qui vous me prenez??? J'avais quand même préparé un cours!!), chaussé mes gougounes, enfilé un collier multicolore, et soigné mon costume d'étudiante en fin d'études, qui veut arrondir ses fins de mois en martyrisant des étudiants en début d'études.
Mes nouveaux élèves ont respectivement 11 et 12 ans, et en sont encore à cette étape très délicate dans l'apprentissage d'une langue, où on ne maîtrise ni la lecture, ni la prononciation, ni le vocabulaire le plus basique, ni la syntaxe la plus évidente, et où on ne voit pas l'intérêt d'ingérer tout ça, et où, d'ailleurs, on a besoin de motivation autant que de vocabulaire. Du coup, on a du pain sur la planche, et les profs parmi vous qui auraient des idées de jeux ou d'ateliers ludiques et motivants ayant déjà fait leur preuve auraient tort de se priver d'apporter leurs lumières ici.
Les cours se déroulent sur la grosse table en bois laqué du salon, salon d'où, pour faire cours, on chasse le grand-père scotché à la télé.
Quant au court métrage, il a déclanché un certain enthousiasme, rapidement limité par l'incapacité des intéressés à exprimer quoique ce soit en français sur la question.
OK, on va y aller plus doucement la prochaine fois.

Sur le chemin du retour, je fais une pause supermarché, chez Dia, pour acheter les huit litres d'eau potable presque quotidiennement nécessaires à l'hydratation des gosiers de l'appartement. Huit litres au bout du bras, sur deux cent mètres, tenus par une petite poignée en plastique, ça fait mal, ça donne envie d'avoir un troisième bras pour répartir mieux la douleur. Mais tous les murciens que j'ai rencontrés sont d'accord: l'eau du robinet, en plus d'avoir un goût de mort, peut à l'occasion vous en rapprocher sensiblement.
Comme dit Jan, l'Espagne, c'est déjà le Tiers Monde. Mais quand Jan dit ça, il n'y a que les allemands et quelques français qui rigolent. L'humour, c'est très culturel.

En parlant de Jan, il a pour mission de faire rentrer un peu plus de tente kilos de bagages dans un maximum de 25kg acceptés par sa compagnie d'avion. Le problème est du genre à faire se taper la tête contre le mur aux plus grands mathématiciens. Mais il n'effraie pas le sociologue germain. Trois pulls et deux manteaux, une vingtaine de livres dans les poches (ben oui, on s'ennuie beaucoup en avion), et un sac à dos bourré à craquer, pesant comme un labrador, mais porté avec tellement de nonchalance par le viking végétarien que personne ne croirait, à le voir qu'il dépasse franchement les limites autorisées.

Vers 16h, Nadia et moi finissons de préparer une monumentale salade fousitou, Eve a acheté du pain, Jan a bouclé ses sacs, Angel est de retour de son travail, et nous passons à table. Et depuis que Nadia et moi nous mettons régulièrement aux fourneaux, il faut avouer que le quotidien alimentaire de l'appartement a gagné en vitamines...
A 16h30, les allemands (Nadia et Jan) terminent de ranger, laver, préparer, et Angel, Eve et moi restons à déguster les grains de chocolat au café (merci Maman!) autour de la table.
A 16h45, je pars vider ma chambre, que Nadia va désormais habiter, et flanque toutes mes affaires en tas dans la chambre que Jan quitte.
A 17h, nous sommes cinq dans la voiture d'Angel, pour accompagner l'un d'entre nous à l'aéroport. Et visiter un peu Alicante. Je tane tout le monde depuis la veille pourqu'on aille à la plage. J'ai promis de me baigner.

A l'aéroport, nous saluons avec émotion le départ de Janico, dont les bagages semblent passer sans embages, malgré leur indéniable surcharge pondérale. Nous prenons alors, pour nous consoler de cette perte toute neuve, le chemin de la plage. La ville d'Alicante ressemble à beaucoup de catastrophes architecturales de la côte espagnole: une forêt d'immeubles vides, anarchiquement construits au gré des pots de vin, des casinos fluorecents dont le mauvais goût n'a d'égal que leur inutilité 9 mois sur 12. Seul le château, planté sur le sommet d'une colline plantée au milieu de la ville donne une touche de sincérité à l'ensemble.
Comme aucun d'entre nous ne connaît bien la ville, nous nous laissons guider par les panneaux et finissons par parquer le char au bord d'une plage en plein dans la ville. Sur ces parkings de plage urbains, en Espagne, on trouve toujours une joyeuse troupe de jeunes qui ont établit un système très simple: ils signalent les places aux voitures, les aident à se garer, et leur fournissent un ticket de parking, en échange d'un petit pourboire.
La plage est très propre: pas de clous, pas de canettes, pas de capotes dégonflées, pas de mégots de cigarettes, ni de montagnes de bouteilles de bière vides, on doit être hors saison.
Du coup, j'enlève très vite mes chaussures, imitée par Eve, en me précipite vers l'eau en relevant mes jambes de jean, histoire de voir si, bien que sans maillot de bain ni serviette, je vais pouvoir tenir ma promesse de bain. En hiver, la méditerranée est fraîche, c'est un fait. Mais pour Miss Warrior 2008, qui a une sérieuse réputation à tenir, rien d'insurmontable. Je patauge donc allègrement sous l'oeil admiratif (j'aime à la croire) de Nadia et d'Angel, pendant qu'Eve remonte elle aussi ses jambes de pantalon.
Quelques dix minutes plus tard, je tombe complètement le jean, le pull autour des hanches, et, vêtue d'une antique culotte et de ma polaire orange, je cours dans l'eau jusqu'à mi-cuisse. En dehors de l'esbrouffe réussie et de ma réputation de Miss Warior sauvée, ce fut aussi un moment très agréable: les jambes étaient habituées au froid, tous les organes restaient au sec et au chaud sous la polaire, et j'étais juste bien. Gambader dans l'eau en mars à la tombée du jour jusqu'à mi-corps est une expérience à renouveller. Voir la lune se lever en se prenant une vague dans le nombril, les mains dans les poches et une expérience à ne jamais oublier.
A la sortie de l'eau, en pleine forme, nous avons couru un bon trois minutes, Eve et moi, pendant que Nadia et Angel se recroquevillaient sur le sable.
Puis, comme nous avions tous plus ou moins pris des engagements pour la soirée, nous reprenons le chemin de Murcia. Une heure de voiture, dans la nuit franchement tombée, Eve et moi à l'arrière nous murons dans le silence pendant qu'Angel et Nadia papottent tranquillement.
Et c'est ainsi que nous rentrâmes à Murcia, fatigués et contents. Enfin, content, ça ne dura pas pour Angel qui apprit, à peine descendu de voiture, qu'il commençait à travailler à 6h le lendemain matin, et finirait très très tard. Jan n'avait pas tort de surnommer Angel "le prolétaire du mois".

Et le pull?? me demanderez-vous, tanants que vous êtes.

J'y viens.
Pour moi non plus, le contentement ne dura pas longtemps. A peine rentrée, je commençai à ranger mes affaires, lorsque je ressentis un froid, un vide immense dans ma vie, ma chambre, et autour de mes hanches. Un coup d'oeil à droite, un coup d'oeil à gauche, oukigné mon très laid pull beige que j'adore?
_ Eve?? t'as pas vu mon très laid pull beige?
_ Non, mais il ne doit pas être bien loin.

_ Angel? J'avais pas un pull, tout à l'heure? Tu l'as vu?
_ Non, il doit être dans la voiture.

Accompagnés d'une Pettinga (ma coloc chienne) surexcitée nous repartons vers la voiture. Pas de pull. Putain!!! PAS DE PULL!!! Pas ce pull là??!! Un autre, oui, mais pas celui-là!!
Ce pull là, je l'ai depuis l'hiver 2001. C'est mon plus vieux pull, on se connaît parfaitement, on a tout vécu ensemble, c'est ma maison sur mon dos!! Devant ma tête qui s'allonge, tirée par le poids du chagrin, Angel se désole à son tour, me promet qu'on en trouvera un autre, encore plus chaud, mais je reste tellement inconsolable, que lorsque je fais remarquer que si je reviens à cette même plage dans quelques semaines ou quelques mois, il est certain que le pull n'y sera plus, il me répond du tac au tac que si on y retourne "ahora mismo", on a toutes les chances de l'y retrouver.
Après quelques minutes de reflexion pendant lesquelles je pèse d'un côté l'absurdité absolue de faire une heure de route aller une heure de route retour pour trouver un pull qui ne doit plus valoir grand chose, avec Angel qui va se lever vers 5h du matin, et de l'autre, la perte tangible de tous les souvenirs qui sont liés à ce pull, et de toute la valeur qu'il a pour moi, j'accepte la proposition, à condition de payer l'essence du voyage.
21h20

Pendant ce temps, sur la plage, seul dans le noir, un pull beige mi-laine mi-synthétique se demande où je suis, ce qu'il a fait de mal pour que je l'abandonne, ce qu'il va devenir sans moi, si ce sont les oiseaux ou les vagues qui lui porteront les premiers affronts...

Dans la voiture, Angel et moi refaisons le même chemin.
22h30
Les gars du parking nous reconnaissent, et se demandent visiblement ce que deux des quatre voyageurs reviennent faire deux heures après. Sur la plage, je n'aperçois pas mon pull, j'ai le coeur serré par tout l'espoir déçu qui va fondre très douloureusement si nous avons fait tout ça pour rien. En longeant le bord de mer, j'aperçois un petit tas beige. Angel ralentit et moi j'accélère, je n'ose y croire, ce serait trop beau...
Et pourtant! Beige sur beige, imprégné de sable jusque dans ses plus profondes fibres, tout froid, mais tout doux comme toujours, mon pull est là qui m'attend. L'émotion est partagée de part et d'autre...
Comme convenu, Angel a photographié nos retrouvailles.


Donc des fois, en plus de faire confiance aux gens, c'est aussi au destin qu'il faut faire confiance. Faire confiance au destin, ça veut dire qu'il ne faut pas lui lâcher la bride...
22h45
Les gars du parking ont encore plus halluciné de nous revoir repartir cinq minutes plus tard. Y'en a qui hallucinent pour pas grand chose. Moi, ce qui m'a fait halluciner, c'est que mon coloc qui se levait à cinq heures le landemain matin, et qui ne voyait même pas de quel pull je parlais passe presque trois heures pour m'aider à remettre la main dessus, alors que même moi je n'y croyais pas en partant!!

Sur le chemin du retour, j'ai expérimenté la conduite de nuit en Espagne. Alors c'est définitif, je préfère l'auroroute en voiture, et la ville à pied, mieux vaut cela que le contraire. En Espagne, si à l'instant exact où le feu devient vert tu n'as pas redémarré, tu reçois une douche de klaxons. Si pour te venger, tu ralentis à l'orange, au feu suivant, alors là, c'est limite on défonce ta voiture à coups de barre de métal. Non, vraiment, l'humour, c'est très culturel.

00h35
La journée, déjà bien remplie, se termine là, mon pull contre mon visage, et du sable plein mon lit, mes cheveux et mes dents...

mercredi 4 mars 2009

La vie n'est pas une salle d'attente

... Mais si vous avez décidé de vous ennuyer, faites quelque chose d'utile: comptez vos cheveux.

mardi 3 mars 2009

Clin d'oeil affriolant

Montréal, galerie commerciale souterraine, le 8 décembre 2008.
Boutique de lingerie fine.
Collection: "Même en hiver, surprenez-le avec des dessous coquins..."