jeudi 22 octobre 2009

Pâtisserie métaphorique



"Le voyage, c'est comme un millefeuille."
(Aristote Ragtime Ed. Flonflonds, -15 000 av JC)

Mais encore? me direz-vous.
C'est vrai, c'est un peu court, jeune homme!
Bien, alors que voulait dire Aristote quand il prononça ces paroles mystérieuses en plein barbecue de fin d'année de la joyeuse confrérie des géomètres, entre une saucisse et une dorade et avec une chope d'hydromel dansant au bout de sa main gauche?
A mon humble avis, il faisait allusion aux nombreuses étapes qui jalonnent l'adaptation à un nouveau cadre de vie. Quand on part de chez soi, où toutes nos racines ont discrètement investi les rues, les passages piétons, les couloirs de metro, les arbres, les commerces, les bords des trottoirs, etc... on devient plus léger. Comme tout ce qui n'est plus attaché. C'est flipant, ou c'est enivrant, ou bien les deux. On entre dans une dialectique du mouvement. Tous les mouvements semblent soudain possibles, faciles: on part là, mais on pourrait aller ailleurs. Les kilomètres pèsent moins lourd. C'est comme si une loi physique leur ôtait une partie de leur pesanteur. Sur la Lune on saute plus haut. Ben en voyage, on va plus loin. Horizontal, vertical, tout ça est une question de point de vue.
Que se passe-t-il quand on perd tous ces kilos de racines? Tout d'abord, le vertige ou l'ivresse. L'insupportable légèreté de l'être, diront certains, la délectable légèreté de l'être, répondront les autres.
Cette première phase, c'est la première couche du millefeuille. On glisse dans l'espace. Dans une nouvelle ville, rien ne nous accroche nulle part, pas de racine emmêlées qui mettent des œillères à nos yeux blasés. On est vierge de ce nouveau lieu. Alors on devient hypersensible à tout. Tout, absolument tout est une source de possibles. Les parcs, les théâtres, les rues, les gens, les nuages, la lumière, les rayons du supermarché... On est overstimulé, le cerveau ne sait plus où donner de l'imagination, on a l'impression qu'on n'y arrivera jamais, à vivre tous ces possibles. Et on a parfaitement raison, mais c'est déjà une déception de savoir que seuls se réaliseront un ou deux possible sur mille. Alors entre les stimuli externes et les stimuli internes, on est épuisé. Cette phase est un gouffre à énergie.
Sortir acheter du pain au supermarché est purement et simplement crevant.
Chez moi, ça donne lieu à une supermarchite aiguë: je passe des heures à observer tous les produits du supermarché. J'hésite presque à m'ébahir devant un litre de jus d'orange, et je reste muette de stupéfaction devant un pot de gros cornichons.

Et il faut en profiter pour essayer le plus de choses, de lieux, de produits possibles, parce que ça ne peut pas durer bien longtemps et qu'on enchaîne généralement vite sur la seconde qui n'a rien à voir.

Tchécoscope 1

Hradec Kralove (HHradéts Kralové) est une ville placée à la confluence de deux fleuves. L'Elbe, et un illustre inconnu qui porte le nom d'"aigle" en tchèque, parce qu'il puise sa source dans la montagne de l'aigle, située un peu plus à l'est.
Les montagnes, je les ai aperçues samedi dernier, au cours d'une longue ballade en voiture dans la région. Les montagnes sont blanches. L'eau des fleuves est donc probablement très fraîche, la preuve, c'est que je n'ai vu personne s'y baigner... En revanche, il y a deux semaines, en me promenant, j'ai croisé un vieil homme en slip-chaussures qui se promenait au bord du fleuve. Comme personne n'avait l'air de trouver ça bizarre, je me suis dit que les tchèques sont très ouverts sur le plan vestimentaire. C'est une théorie qui s'est trouvée confirmée il y a quelques jours quand j'ai croisé Chweebaka léchant une vitrine de vêtements.
Hradec Kralove est muni d'un centre historique tout de pierres vêtu, un peu surélevé par rapport au reste de la ville. Ce centre historique a la forme d'un bateau. Il était entouré de remparts jusqu'à des temps encore très mémoriaux, et voguait sereinement sur les conquêtes et les guerres successives, dans un océan de champs, de pommiers, de noyers, de conifères et autres faunes typiques des fonds sous marins sans mer.
Bien sûr, ici, quelques façades de maison sont colorées: roses, vertes, jaunes. En été et en automne, ça n'a l'air de rien, mais en hiver, on en goûte sûrement l'intérêt avec avidité quand la nuit tombe à 16h sur un décor en noir et blanc.
A Hradec Kralove, on trouve beaucoup de parcs, les rues sont larges, le macadam a des lacunes de ci de là, ... on trouve plus de parcs que de boulangeries. Les tchèques sont pourtant gourmands, mais ils n'ont pas la tradition des petits commerces comme chez nous.
Quand je dis que les tchèques sont gourmands, c'est à prendre au pied de la lettre. Hier, à la cantine où je vais de temps en temps, on servait une spécialité dont ils se vantent peu, peut-être parce qu'ils ignorent à quel point c'est exotique pour les étrangers, c'est le plat sucré.
Entrée: une soupe.
Plat principal: une bouillie de céréales au lait, ni sucrée ni salée, arrosée de sucre glace et de chocolat en grains qui fond dessus, et d'une large louche de beurre fondu.
Dessert: tu rigoles? tu veux un dessert après ça?

C'est en vous parlant de tout cela qu'un appareil photo me manque vraiment. Certes, ces temps-ci, j'emprunte souvent les photos des autres, mais les photos des autres, c'est comme les lunettes des autres: même si la monture est sympa, on voit flou et ça irrite le cerveau.
Quand je vous propose mes photos, c'est un quart de seconde de mes yeux que je vous propose, et si mes yeux me trahissent, ils vous trahissent aussi, et cette trahison nous unit.

Aujourd'hui, faisons une minute de lecture sans image en commémoration de tous les appareils photos disparus.

jeudi 15 octobre 2009

Llamada de socorro


Hola, Halo,

Soy Luna. Soy la gata de Marjolaine. Yai la idé que ié peu aprofiter de le pas là de Marjolaine pour dire tout cé qué yé sour lé keur. Yé boucou.
Bon, en primer lugar, elle m'adopte pour vivir avec oune chienne qu'elle voulait toujours le temps youer avec moi. Bon, moi yé voulé pas, mais c'est pas grave: yé rien dit. Youste quelques coups dé griffe dans sa guoule à la perrita... Jejeje!!!
Ma après ça, Marjolaine, ale a voulu qu'on a passé quince jours dans le voitoure!!! Quince!!! Tabernaco!!!
Moi yé souis youste oune gentille pétite chatte, yé souis jeune, yé souis guapa, alors yé coumprends pas pourquoi souffrir autant?
Quince jours, il a fait chaud!!! Calieeeeeente, qué yo, yé soufflait comme oune vieille chienne!!! La honte!!! Ma tane pis: yé rien dit. Youste quelques "miauuuuu" dans le joder de voitoure, y caca le matin, quand le voitoure il part pour que ça sent mal tout le jour. Jejejeje!!!
Mé moi, yé le keur tendre, yé la patte velours, yé l'oeil doré, la langue rosa...
Bon, on a arrivé à ses parents, la grandé maison, ça c'était bienne. Ma dans la maison grandé, y'avait oune chat rousse, trèèès machan avec moi. Et pendant tou l'été, partir, partir, partir, et révénir, révénir, révénir... Louna fatiguée!!! Ma yé rien dit. Ma yé commencé à avoir oune peu jousqu'aux oureilles avec toute ça!!!
Et là, c'est la cérise dans lé verre d'eau qui dépasse la ligne dou gâteau: Deux jours dé voyache en voitoure, pour arriver dans oune pays où il faut que je reste dans le maison toute le temps!! Et parfois je peux sortir, alors je essaie parler avec les autochtones, ma ils grimpent vite dans tous les arbres, et yo, je peux pas aller vite pareil, et ils parlent pas pareil la langue, et ils mangent pas pareil la bonne pâté!! nan!! Ales mangent les noisette, et les glands des les arbres!!! Qué stoupides avec leurs grandes queues en panache... écoureuills mon cou!!! c'est des rats!!! Qu'ils sont toutes gris!! Pour l'amitié pas possible, et pour manger trop rapide. C'est noule!! Et il fait froid déhors!! Moi j'ai pas l'habitude de avoir les pattes froides... mes jolies pétites pattes!!! Et c'est quoi lé prochain? Glace sur le sol? Rottwailer dans lé jardin??

Alors moi yé démissione, yé toute essayé, cette fois yé di pas rien, cette fois y'ouvre ma goule, et yé dit:
Yé souis yeune, yé souis guapa, yé souis affectoueuse, yé suois libre dans lé keur, et yé cherche oune gran amooooor... Si oune maître il est gentil, il a oune grand keur aussi, et il a argent, maison, voiutoure neuve (et pas vieil tacot toute pourri),il peut me adopter, et yé loui donneré sans hésiter toute mon affectionne. C'est le promis!!
Ma faut faire vite avant je pète toute le câble!!
Même si lé gentil maître il a pas toute la voitoure et toute ça, moi yé prend pareil, yé veux youste finir avec toutes les conneries, là, ok?

Vous pouvez m'écrire:
louna.veut.la.loune@chats.com

Ayadadme por favor,
Muchas gracias.
Luna

De hier à hiver, il n'y a que le v de vite...


Dans le lycée où Luna et moi avons élu domicile, il y a, dit-on, les meilleurs élèves de la région. Il y a, pour les aider à rester les meilleurs, des professeurs de tous âges et de toutes nationalités: anglois, françois, germains, zé autres celtes-vikings, et salades de barbares. Pas beaucoup de latins, c'est vrai.
C'est pour y remédier qu' il m'a été demandé d'apporter mon lexique.
C'est désormais imminent en plus d'être officiel: je vais donner des cours d'espagnol au personnel du lycée d'une part, et aux élèves les plus motivés de l'autre.
Je vais répandre le "hola" dans les couloirs, ça va fiester le samedi soir et bébère caliente quand il neigera.

En parlant de neige, hier matin, il a neigé sur Hradec Kralové. Oh, rien de bien sérieux, juste un passage en coup de vent, comme ça, une histoire de dire: "Si je veux, je peux. Je reviens dans un instant... ça va glacccccer!"
En parlant d'hier, ce fut un jour à marquer d'une pierre verte à rayures roses: j'ai adopté un vieux vélo encore solide sur ses roues, et nous avons plein de projets ensemble, lui et moi. Mais hier, un vent du nord se mêlait indiscrètement à notre conversation, et nous avons préféréabréger. Mon vélo m'a juste dit: "la prochaine fois, ma biche, couvre tes mimines avec des gants, parce que sinon, on va finir dans le décor avant d'avoir pu dire "nasdravi". Il est fort, mon vélo!! On sent qu'il a vécu, parce qu'il a tout de suite mis le guidon sur la clé de voûte du problème principal: les gants.

Never trie again la chevauchée sauvage de la bicyclette par moins de cinq degrés sans gants.
Mes talenteux lectueurs, vous l'avez vu venir:

En parlant d'hier, ça sent grave l'hiver...

jeudi 8 octobre 2009

La classe!!


Luna et moi avons élu domicile (conditions de vote sérieusement influencées par la proposition du lycée de me louer bon marché un logement dans le lycée) dans une ancienne salle de classe entre un bureau et une salle de musique.
Ce que je vois quand je sors de chez nous: un grand couloir gris parsemé de portes, de fenêtres et de cactus (le peu d'entretien nécessaire et la grande impassibilité des cactus est sans doute la raison de l'omniprésence de cette espèce sur tous les rebords de fenêtres de l'établissement). Juste en face, une grande porte en bois donne sur le parc.
Ce que je vois quand j'entre chez nous: une entrée assez sombre, dont un mur est entièrement recouvert de meubles. A gauche, une porte donne sur la salle d'eau. Dans la salle d'eau, la tuyauterie n'a rien à cacher, et elle le montre. Les murs sont carrelés de blanc et de gris, l'eau chaude n'est ni très chaude ni très claire. Plus la température de l'eau monte (rassurez-vous, elle dépasse difficilement 37°), plus l'eau est rouge. J'ai donc des sources d'eau chaude ferrugineuse à portée de main.
Une porte nous sépare de la pièce principale. Personnellement je trouve que ça fait très chic et professionnel d'avoir une porte entre l'entrée et la pièce principale.
La pièce principale a deux fenêtres de 2,50 mètres de long et 1,70 mètres de large. On se rend vite compte que les murs sont épais parce que sur le rebord des fenêtres, je pourrais tranquillement installer un lit. La pièce principale est peuplée par: de nombreux meubles de rangement sans doute fournis par un beau-frère d'Ikea, une petite cuisine "américaine"(je peux parler à Luna assise sur le rebord de la fenêtre quand je cuisine. En revanche, je dois faire gaffe, parce que si je lui parle trop et que je me laisse emporter par le flot des mots, je risque de renverser des flots de sauce, qui se répandraient directement sur mon lit, derrière le comptoir de la cuisine), un gigantesque canapé jaune, parfaitement en harmonie avec les murs, deux cactus, un pingouin, une Luna, une fille, et pour quelques jours encore, une rose blanche, que j'ai recueillie à peine éclose dans la poussière du chemin dimanche dernier. Le plafond est assez distant. Je ne pense pas parvenir à avoir le moindre contact avec lui pendant tout mon séjour.
Cet appartement a quelques compétences supplémentaires:
_ une bonne résonance du son. Que ce soit la musique ou la radio, ou le piano et la chorale de la salle de musique à côté hier soir à 22h, on entend très bien.
_ Une bonne résonance du soleil: quand le matin le soleil perce les nuages, l'appartement s'illumine et chauffe.
_ Une bonne résonance des odeurs: en fin de journée, on sait à peu près tout ce que j'ai mangé depuis le matin, fenêtres ouvertes ou pas.
Vivement la saison du chou!!!!