dimanche 30 décembre 2012

Le fruit défendu

Le Pérou regorge de fruits plus inconnus les uns que les autres en Europe:
_ le lucuma à la chair sèche et moelleuse

_ le camu camu
_ le maïs noir, qui fait la fierté des péruviens et donne la chicha mora morada


_ le mini avocat (un peu amer?)



De tous ces fruits, je n'ai que de bonnes et belles choses à dire, ils sont délicieux et font découvrir aux papilles des univers nouveaux, leur permettant de voyager avec tout l'esprit et le corps.

Et puis il y a aussi les fruits qu'on connaît en Europe, mais qui sont très bons au Pérou:
_ le chrimoya à la douce saveur de poire

_ l'amour en cage

_ la mangue
_ la figue
_ la banane
_ la grenade
_ la papaye
_ le fruit de la passion ou maracuya

Bref, pour les amateurs de fruits, le Pérou offre un terrain passionnant.

Forte de cette certitude, un matin, je me rendis d'un pas assuré au marché, et comme d'habitude, je fis une pause au milieu de mes courses pour consommer une boisson à base de fruits ou de céréales. Les stands en proposant étaient légion, et j'avais toujours beaucoup de mal à choisir.
Je m'arrêtai finalement à celui qui proposait les boissons les plus sérieuses: pour les reins, le foie, la prostate, et tous les petits problèmes du quotidien, et lui demandai très sereinement un jus de noni.

Le vendeur n'en n'avait pas en stock, il partit immédiatement en chercher chez un voisin. Il revint quelques minutes plus tard avec un grand verre rempli à ras-bord d'un liquide épais et blanchâtre dans lequel je trempai les lèvres avec confiance.
Une tempête de toutes les saveurs les plus infectes envahit instantanément mon palais, et je jetai au vendeur un regard désemparé d'animal trahi. Goguenard, il me montra une carafe et m'annonça que quand j'aurai fini mon verre, il aurait de quoi me le re-remplir. En effet, une (excellente) coutume veut qu'au Pérou, lorsqu'on consomme une boisson dans la rue ou au marché, on vous resserve automatiquement un demi-verre ou un verre entier quand vous avez terminé le premier. En l’occurrence, cette nouvelle me désespéra.
Prenant mon courage à deux mains, je re-trempai les lèvres dans mon verre et avalai une gorgée. Imaginez un mélange de vomi, de moisi, de pourri, de vinaigre, de lait tourné, de chaussette longuement infusée, d'eau de flaque en ville, de liquide vaisselle, le tout légèrement fermenté, et donc piquant, et vous aurez une petite idée de la délicate saveur de ce fruit.
Après quelques tentative et le bel exploit de faire visiblement baisser le niveau d'un demi-doigt, je profitai que mon serveur ait le regard tourné, déposai mon verre et une pièce sur le comptoir et filai, penaude.
Le noni, mes enfants, c'est tellement infecte qu'il faudrait qu'on m'annonce que ça apporte la vie éternelle pour que j'accepte de reconsidérer la perspective d'en re-boire une gorgée! Et encore...

samedi 29 décembre 2012

Santé d'enfer!


Les passagers du bus sont à moitié somnolents. On a traversé pas mal de villages pratiquement en ruines, et des bataillons de vieilles femmes sont montées à chaque fois pour proposer des pommes de terre farcies, du porc frit, des gélatines, des bonbons, des fruits secs, et certains passagers ont acheté quelque chose à chaque vendeuse et sont maintenant abrutis par l'effort de la digestion. D'autres passagers, plus raisonnables, n'ont fait honneur qu'à une gourmandise ou deux, mais ils somnolent aussi, car le paysage autour à beau être majestueux par son aspect lunaire et désertique, il n'en n'est pas moins immensément lassant.
Au milieu de rien, le bus s'arrête.
A parte de vue, ni un chemin, ni une maison, ni un panneau de signalisation: que des collines de pierre et de sable, et quelques buissons secs qui défient les lois les plus élémentaires de la survie. Une vieille en costume traditionnel, chargée d'un gros ballot de fleurs accroché à son dos descend lentement. Pourquoi là? Où va-t-elle?
Un homme monte.
Il grimpe à l'étage où sont installés les passagers, se poste directement à l'avant du bus et souhaite à tout le monde une bonne journée.
Les vieilles et les enfants ouvrent une paupière, les mères de famille attendent encore un peu pour montrer de l'attention.
L'homme, proprement vêtu d'une chemise et d'un pantalon noir poursuit sans attendre de réponse. Il nous rappelle que Dieu vieille sur nous, et appelle l'amour et la protection de celui-ci sur chacun d'entre nous, espérant que nous avons en lui toute la foi et l'adoration qui conviennent. Il s'émerveille des beautés et des perfections du monde que le Très-Haut a mis entre nos mains. Mais il constate que bien souvent, nous oublions de prier, nous nous laissons entraîner dans le rythme inhumain et frénétique du quotidien, et ça n'est pas sans conséquences. Qui d'entre nous n'a jamais eu l'haleine chargée au réveil? Mal au ventre après le repas? Un douloureux ralentissement du transit intestinal? Des flatulences? Eh bien ne cherchez plus, tout cela, c'est le mauvais soin que nous prenons de nous-même, parfaites créatures de Dieu emportées dans le tourbillon de la vie!! Et ces petits désagréments pourraient bien devenir la raison de notre perte si nous ne faisons rien: cancer du colon, occlusion intestinale, gastroentérites nous guettent!
Mais Dieu dans sa grande miséricorde ne souhaite pas nous voir souffrir plusieurs jours sans aller à la selle! Dieu a mis sur notre chemin son humble serviteur ici présent qui a dans sa besace le remède qu'il nous faut.

Enfin, les mères de famille lèvent les sourcils. Moi, je bois les paroles de notre orateur depuis qu'il a commencé à parler.

En effet, il a collecté pour nous, au fil de ses voyages et de ses expériences ce que le monde faisait de meilleur pour soigner le système digestif dans son ensemble. Finis les dysfonctionnements! Finies les aigreurs et les humeurs lourdes! Avec cette infusion, nous retrouverons goût à la vie et temps pour la prière! Notre voix portera plus clairement jusqu'à Dieu, et nos amis nous envieront notre teint d'adolescent! Car oui, c'est toute notre vie qui va changer! Le sommeil, la peau, le système immunitaire, tout va croître et embellir! Et comme nous sommes de bonnes personnes et que nous avons de la chance de l'avoir rencontré, il nous fait une offre: les 3 sachets de thé pour non pas 15, non pas 10, mais 8 soles!! Oui mesdames et messieurs, 8 soles!
Il passe entre nous pour déposer à chacun un petit sachet, sans obligation d'achat bien sûr! Je regarde: c'est un sachet de thé vert sencha classique.
Plusieurs femmes en achètent.

Religion et remèdes miracle font très bon ménage au Pérou. Le ganoderma lucidum proposé ici (très cher) était sur une autre pancarte supposé guérir le sida, le cancer, le vieillissement, l'insomnie, la dépression, la tuberculose, et bien d'autres maux...


Après le sachet de thé, viendra l'onguent qui guérit tous les maux, même le cancer de la peau, puis la poudre qui guérit le sida, le cancer, la dépression, le psoriasis, la sclérose en plaques, les piqûres d'insectes, les conflits avec les voisins, l’acné, etc, et enfin la purge à prendre au moins une fois toutes les deux semaines.
Notre charlatan vendra toujours quelques produits à des personnes qui se sont senties comprises et ont reconnu des symptômes dont elles ou leurs proches souffrent, et dont elles espèrent ce faisant venir à bout.




Hé oui, lorsque l’État ne s'occupe pas de la santé de son peuple, n'importe qui peut faire n'importe quoi...


C'est grave, docteur?

En France, de plus en plus de médicaments ne sont plus remboursés par la sécu, beaucoup de soins sont mal remboursés. Mais tout le monde peut avoir une sécu, même ceux qui ne cotisent pas parce qu'ils sont dans une situation délicate.
Au Pérou, avoir une assurance santé est un luxe. Ne pas être couvert est la norme. Il existe bien un régime public de sécurité social, auquel ont droit les citoyens péruviens, mais auquel n'ont pas accès les étrangers. Ils ne perdent pas grand chose, à ce qu'on m'a dit. Les hôpitaux publics ont très peu de moyens, on y est mal pris en charge, mal soigné, et on peut en repartir plus malade qu'on y est arrivé.


 Les Péruviens eux-mêmes les fuient autant que leurs moyens le leur permettent.


 La médecine privée est donc très développée. Un élève m'a expliqué un jour qu'il ne connaissait, ni parmi ses proches, ni parmi ses connaissances plus lointaines, aucune personne qui soit vraiment en bonne santé. Tous cultivent au fil des ans des problèmes chroniques, qui vont en s'empirant tranquillement: les dents, les yeux, les os, des carences, des infections, des problèmes respiratoires, etc. 
Car oui, même ceux qui peuvent se permettre "d'acheter de la santé" pour des problèmes ponctuels ne peuvent pas se l'offrir pour les problèmes chroniques.

Néanmoins, il existe plusieurs alternatives au médecin, au Pérou:
_ Les chamans. Nous en ferons abstraction car je ne dispose à leur sujet d'aucune information.
_ Les pharmaciens. En deux ou trois question, votre pharmacien vous fera un diagnostic et une prescription adaptée à votre situation: vous avez des boutons sur le ventre? une pommade anti-fongique! Mal à la gorge? Prenez vite des antibiotiques! Des soucis gastriques? Antibiotiques! Mal au genou? De l'anesthésiant! Vous toussez? Un tranquillisant et des antibiotiques!
Au Pérou, en effet, les antibiotiques se vendent comme les bonbons: à la demande. Sauf que les antibiotiques c'est mieux que les bonbons parce que ça ne ruine pas les dents et ça ne fait pas grossir!!
_ Les charlatans: ils feront l'objet d'un prochain article.
_ Les vendeurs d'herbes au marché. Au marché, chaque type de produit a son quartier. Du côté des herbes, c'est joli et ça sent un mélange de toutes les essences de plantes représentées. Des montagnes de bottes de feuilles et de fleurs attendent le client qui vient demander conseil aux marchandes: "j'ai mal aux reins!" "j'ai la digestion un peu lourde!"(mange moins de riz avec tes pommes de terre et moins de viande frite et tu verras ça ira mieux!!!) "je ne respire pas bien" (bizarre, moi aussi, dans les rues fréquentées et aux heures de pointe, j'ai du mal à respirer...) "je n'arrive plus à bouger un bras!"... Aussitôt, la marchande s'active, infuse, écrase, mélange et explique la posologie: "trois infusions de ceci, et enduisez-vous le soir de cela."

En France, nous n'avons de fleurs au marché que chez les fleuristes, pour la décoration et les déclarations. Au Pérou, il n'y a de fleurs au marché que pour se soigner... 


Beaucoup de personnes âgées viennent tous les matins au marché boire un dépuratif pour le foie ou pour les reins.
Sur l'efficacité de leur intervention, j'ai quelques doutes et peu d'informations: on sait que les plantes ont de grands pouvoirs, mais on ne sait pas ce que ces marchands savent de ces pouvoirs, ni du corps humain, ni de ses problèmes...  De toutes façons, ils sont beaux à voir, tout à leur affaire, au milieu de leurs plantes, comme des barmans pharmaceutiques! Au moins, l'effet placebo est garanti!!

mardi 11 décembre 2012

Vieux souvenirs

Il y a quelques mois, je vous avais parlé des cantines d'Arequipa.
Celles qui entouraient l'université visaient bien sûr en priorité les étudiants. Mais elles attiraient aussi des employés des entreprises avoisinantes et des personnes âgées.
Lorsque j'entrais dans les cantines, j'étais souvent l'objet de regards mi-interrogateurs, mi-réprobateurs. La présence d'étrangers dans l'intimité gastronomique de la cantine surprenait tout le monde et semblait presque en déranger certains.
Une des personnes les plus impassibles à mon passage était un vieil homme très droit et digne. Il déjeunait seul, silencieusement, vêtu d'un beau costume sombre, il était raide, élégant, sec et fripé, noble, indifférent au monde extérieur. Il me faisait penser à un personnage de bande dessinée, ou de théâtre tant son apparence noble et discrète contrastait joliment avec la simplicité populaire du lieu. Bien souvent, je n'avais d'yeux que pour lui (et pour mon assiette)!
Mais les personnes âgées des cantines étaient des personnes pleines de surprises!
Un jour, une femme vint déposer à la table voisine de la nôtre une centenaire branlante et délirante, qu'elle laissa affalée sur une chaise. L'ancêtre était visiblement impatiente de manger, et tenta de nous communiquer, dans une langue difficilement compréhensible, son enthousiasme. Et puis, déçue de notre manque de réaction, elle se mit à taper franchement sur la table, sa fourchette dressée dans sa main, en criant, pour faire venir plus vite la serveuse.
Elle commanda avec une ferveur remarquable un "pastel de papas" (gâteau de pommes de terre: c'est comme le gratin dauphinois, mais en plus épais et sec), et lorsqu'il arriva, elle se jeta dessus, tendant la tête hors de ses épaules crochues, comme une vieille tortue qui sort de sa carapace pour engloutir une tomate.
Au bout de quelques bouchées, cependant, elle arrêta de manger et commença à récupérer la nourriture à pleine mains pour la glisser directement dans ses poches. Finalement, elle attrapa de gros morceaux de gâteau pour en bombarder les pigeons ravis sur le trottoir.
Entre "Monsieur élégance" et "Mémé Cracra", les personnes âgées valaient mille télévisions, d'où cet hommage tardif aux vieux condors du Pérou! Merci à vous!!!!!

dimanche 25 novembre 2012

Le Cañon de Colca

Dans le sud du Pérou, on trouve les Andes. Elles occupent beaucoup de place dans la géographie locale, c'est pourquoi on les trouve facilement.
Entre Arequipa et Puno, il y a le canyon de Colca. C'est le deuxième canyon le plus profond au monde, juste après son voisin: le canyon de Cotahuasi.

Pour rejoindre le Canyon au départ d'Arequipa, on traverse des centaines de kilomètres de désert montagneux, on monte assez haut. D'ailleurs, quand à l'aube, après avoir longé le sommet du canyon embrumé, on descend du bus sur la place de Cabanaconde, on constate que si on avait le vertige, c'était certes de voir le vide si proche de la route, à perte de vue, si loin que même les nuages paraissaient loin, mais aussi à cause de l'altitude.
A l'aube, rien n'est ouvert dans Cabanaconde, pour l'infusion de coca, c'est compromis. Pourtant, la coca est très efficace contre le mal de l'altitude.
A Cabanaconde, à l'aube, nous étions attendus! Un agent de l’État nous reconnut immédiatement comme étrangers (le jugement à la bobine a dans le monde entier de beaux jours devant lui!). En tant qu'étrangers, il nous fallait acquitter un "droit de descente de bus" assez élevé, d'autant plus élevé que nous n'étions pas là en touristes mais en travailleurs mis au parfum de la condition de prolétaires péruviens. Un groupe de françaises blondes comme les blés avait été, avec nous, cueilli à la sortie, mais elles refusaient de payer ce droit qui leur semblait d'une injustice criante. Elles négocièrent tant et si bien que de guerre lasse, l'agent finit par accepter de nous faire payer le demi-tarif, réservé normalement aux péruviens des autres régions.
Deux jours dans le Canyon de Colca, c'est superbe et dépaysant, ça change du bruit incessant de la ville et des irrespirables nuages de gaz d'échappement, mais ça n'a rien de reposant.
Cabanaconde étant assez haut par rapport au fond du Canyon, il faut descendre... fort et longtemps!

A la sortie du village, au début du sentier, on croise de beaux convois

On croise aussi des chats. Nous baptisâmes celui-ci Lucuma, avec qui nous eûmes le plaisir de faire un bout de chemin.

Lorsque les nuages se déchirent, en milieu de matinée, ça donne ça.

Et tout en bas, c'est le pont qu'on pensait atteindre facilement en 2h de marche. En fait, il était encore très loin.
 Vraiment longtemps, en fait!!!

Puis remonter sur le versant opposé après avoir traversé le pont. La végétation est très différente d'un versant à l'autre. Passé le pont, le paysage se fait luxuriant, plus doux, et de petits ruisseaux chantonnent en descendant le long du chemin.
La marche nous ayant tous fatigué, les plus légers d'entre nous bénéficièrent de mesures de transport privilégiées.


Dans le Colca, comme souvent au Pérou, les cactus poussent comme des champignons.

Au village de Tapay, cette élégante vieille femme adopta Lucuma (non sans réclamer qu'on lui verse une pension en échange...)

Salle à manger de l'auberge

La rue de l'unique auberge de Tapay
 Tapay est un petit village sur le versant opposé à Cabanaconde. Il n'est accessible qu'à pied ou à dos de mule. C'est sans doute pour cette raison qu'il y fait si calme. L'unique auberge en état de fonctionnement, tenue par un couple de retraités, se trouve à côté d'un élevage de cochons d'inde. Le voyageur non averti le sentira et l'entendra vite. Dans l'auberge, nous avons enfin pu profiter d'une infusion de coca et d'un bon repas chaud, avalé vite avant que le froid n'en diminue le plaisir.
S'il règne une atmosphère un peu mélancolique à Tapay, même la veille de Pâques, c'est sans doute à cause de toutes ces maisons abandonnées qui s'affaissent doucement le long des rues. Hé oui! Comment gagner sa vie? Comment élever ses enfants et espérer faire vivre une famille dans ce petit regroupement de maisons isolé de tout?
Trop près de la ville pour ne pas être attiré, trop loin de la ville pour rester au village.
Partir de Tapay tôt le matin, c'est prendre le risque d'apercevoir de beaux paysages tels que celui-ci.

Musée, hôtel, restaurant, et aussi épicerie. A Malata, on allie l'utile à l'agréable...
 Entre Tapay et l'Oasis, on croise quelques petits villages, peuplés de familles discrètes et de bruyantes meutes de chiens. Malata est l'un de ces villages.

L'oasis, au fond du Canyon
 On est contents d'apercevoir l'Oasis au loin: dès 9h du matin, le soleil chauffe! On guette le bruit de la rivière et on compte les piscines...
Profitez-en bien... !!
 Le matin, l'Oasis est calme. Très calme. L'eau aussi, à défaut d'être aussi cristalline qu'on l'aurait souhaité. Et puis elle est fraîche. Les muscles et la peau aiment!
... parce que la suite c'est ça: 12km de sentier abrupt à flanc de montagne. 1000m de dénivelé

... dont voici le glorieux résultat

Cabanaconde. La nuit de Pâques, ce village est tout sauf tranquille.
 Nous arrivâmes à Cabanaconde trempés de sueur et de pluie, le temps s'étant gâté pendant la remontée. Nous étions le soir de Pâques, et si épuisés que sans chercher à savoir de quoi il s'agissait, nous nous couchâmes le dîner avalé et la partie de scrabble terminée. Nous pensions bien dormir, après une douche presque chaude.
C'était sans compter sur le poids des traditions et l'enthousiasme des péruviens pour la résurrection. En effet, toute la nuit, une fanfare a tourné dans toutes les rues du village, s'arrêtant à plusieurs reprises sous la fenêtre de l'auberge, remplie d'étrangers (c'est bien plus drôle quand on est sûr de déranger des gens qui ne partagent pas les mêmes coutumes!!)
La procession de Pâques à Cabanaconde: 12h non-stop, c'est ça??
 Au matin, la fanfare et sa procession tournait toujours, infatigable, imperturbable. En France, Pâques est l'occasion de mettre son foie à l'épreuve d'une avalanche de chocolat. Dans le Canyon du Colca, Pâques est un sacerdoce qu'on vit en société et en musique. La mondialisation, apportée il y a plusieurs siècles avec un manque de tact sans pitié par les Espagnols a donné des fruits bien différents d'un bout du monde à l'autre...
La procession de Pâques à Cabanaconde

lundi 8 octobre 2012

Anecdote?

L'autre jour, je dirigeais une session d'examen de français. Il y avait une jolie dame bien habillée, élégamment maquillée, tous dans les tons rouge et doré, mais que j'ai vue, sous le regard anxieux de son mari qui passait l'examen à la table voisine, lutter contre l'effroyable angoisse de l'échec qui envahit ceux auxquels on demande de réussir quelque chose qu'ils ne peuvent pas faire. Ma présence attentive et inactive la gênait: elle avait compris que j'avais compris. A la fin de l'épreuve de compréhension orale, elle me tend sa copie maculée de petits pâtés anarchiques et me dit avec un sourire d'excuse, mais une lueur de fierté dans le regard: "C'est parce que j'y suis jamais été à l'école."

vendredi 27 juillet 2012

Règlement de compte



Moins on voyage, plus on pense que le voyage, c'est que du bonheur. Les imbéciles heureux qui croient ça seraient alors bien en peine d'expliquer pourquoi ils ne voyagent pas, si c'est vraiment ce qu'ils pensent. Il est tabou, lorsqu'on part très loin, dans un pays très "exotique", de revenir et de répondre à la sacro-sainte question: "alors? ça devait être formidable, tu dois être trop triste de rentrer!!!" par un souriant "oh non!! je suis vraiment contente de rentrer, c'était vraiment pas facile tous les jours là-bas!"
La désapprobation qu'on lit dans le regard de l'autre nous rappelle qu'on vient de piétiner une convention coriace: un voyage doit être une parenthèse idyllique dans l'existence, qui nous rappelle qu'on est partout mieux que chez nous (surtout dans les pays lointains).
En fait, non.
Pour qu'un voyage soit beau, il faut:
_ être dans un état d'esprit d'ouverture et d'acceptation de l'inconnu et de l'aléatoire.
_ que le pays soit beau
_ que les conditions de vie soient cohérentes: peu de confort, beaucoup de temps libre, ou beaucoup de confort, peu de temps libre.
_ que les gens sur place soient prêts à vous recevoir non pas avec enthousiasme, mais avec une ouverture qui vous montre que vous êtes accepté en tant que personne, que vous serez respecté en tant qu'être humain et écouté en tant qu'individu. 
_ un climat pas trop pourri (mais ça c'est accessoire).

Tout ça, c'est le kit minimum auquel peuvent venir s'ajouter plein d'éléments selon les lieux, les gens, les moments.

Et lorsque ces éléments ne sont pas réunis et que le voyage devient souffrance, ça ne sert à rien de fustiger du regard celui qui vous dira qu'il a raté son voyage, et qu'il est ravi de rentrer.

J'ai beaucoup hésité avant d'écrire ce message, parce qu'il ne vous fera pas rêver. Peut-être même qu'il en fâchera certains. Tant pis, moi aussi j'ai été un peu fâchée.

Au Pérou, j'ai vu de très belles choses, goûté de très bons plat, découvert de nouvelles saveur, vécu de nombreuses expériences nouvelles. Parmi ces expériences nouvelles, j'ai découvert qu'on peut se sentir mal accueilli dans un pays, et que c'est une sensation douloureuse.
Au Pérou, je n'ai pas rencontré que de mauvaises personnes, mais étrangement plus qu'ailleurs, et je n'ai pas vécu que de mauvaises journées, mais j'ai souvent été confrontée à une sorte de fermeture et d'agressivité banales qui m'ont fait me sentir bien souvent de trop. 
Alors voilà, de mon expérience au Pérou (qui somme toute n'engage que moi), j'ai retiré l'impression que les péruviens sont des personnes fermées, peu avenantes et intéressées bien plus par l'argent que par l'humain (n'hésitant pas à sacrifier un ami pour gagner 3 soles, alors même qu'ils sont clairement plus riches que l'ami sacrifié). Ce qui vient de loin leur semble inopportun dans leur beau pays, et ils mettent à le lui faire sentir un soin qu'ils ne mettent dans aucune autre action de leur vie, puisqu'ils travaillent souvent avec un laisser-aller qui montre à quel point ce qu'ils font les ennuie viscéralement. Dans le tourisme, c'est gênant. Ils cachent si peu leur avidité envers les moyens financiers qu'ils supposent infinis chez les étrangers qu'il devient difficile de profiter sincèrement des services qu'ils consentent ensuite à réaliser ou des superbes objets d'artisanat qu'ils leur proposent, coupant ainsi toute spontanéité et toute curiosité des touristes à leur égard.
Si vous comptez visiter ce pays, prenez en compte ce pessimiste avertissement, qui sera je l'espère contredit du tout au tout.
Je garderai pour ma part un très bon souvenir du pays, un très mauvais souvenir de ses habitants. A charge à eux de me prouver que je me trompe.

Copacabana 3 et retour en Péruvie

Il nous reste à parler du chemin de croix de Copacabana.
Le relief escarpé qui entoure le village est tout à fait propice à l'installation d'un chemin de croix digne de ce nom.
Il aurait été dommage de quitter Copacabana sans grimper sous le soleil et dans la douleur la belle colline qui surmonte la ville et le lac. Rappelons que Copacabana se situe à 3800m d'altitude (si on en croit wikipédia). A cette hauteur, monter 100m de plus est toute une aventure.

Le début du chemin de croix, vue en amont.

Le début du chemin de croix, vue en aval.

A mi chemin, un plateau aménagé avec des bancs et des tables en pierres destinées à recevoir les offrandes de fleurs et d'encens permet de souffler un peu, d'essorer ses vêtements trempés de sueur et d'admirer déjà un peu la vue splendide et silencieuse qu'on a sur le lac. On se rend compte alors que sa surface est animée d'une vie de fourmilière (aquatique), des bateaux vont et viennent: petits voiliers privés, gros bateaux touristiques, humbles jonques de pêcheurs... tout ce petit monde se croise paisiblement sur la route des îles.
Comme la contemplation du paysage nous a fait oublier un peu la dureté du chemin, on reprend sa route confiant.

Vue du plateau de mi-chemin
Encore une petite montée pour atteindre le sommet... ça ne s'appelle pas "chemin de croix" pour rien.

Tables à offrandes

 Tout en haut de la colline, écumants et soufflant comme de vieux chevaux, on peut enfin s'assoir sur de grosses roches et récupérer son souffle en méditant sur la beauté du paysage qu'on a la chance d'apercevoir.
Les tables à offrandes du sommet protègent du vent les bougies.

Le port de Copacabana vu du sommet du chemin de croix.
Le Lac Titicaca

Tout autour, des boliviens pique-niquent.
Un pique-nique à la bolivienne, c'est une grande marmite avec une soupe ou une viande en sauce chaude, une autre marmite avec du riz et une pile d'assiettes en porcelaine, c'est quand même plus joli, sans compter le sac avec les couverts et les verres en verre. On se demande comment ils sont montés avec les enfants, les bouteilles de bière, les lourdes jupes traditionnelles et les grand-mères, chancelantes mais ravies.


Il ne reste plus qu'à redescendre et à monter dans le bus pour Arequipa en regrettant d'avoir oublié son chargeur d'appareil photo, car la route qui longe le lac, entre Copacabana et Puno et tout simplement superbe. A vous de me croire sur parole.
Grâce à la compagnie "Señor de los milagros", on était bien certains que s'il n'y aurait pas de miracle concernant l'état des toilettes, on arriverait quand même sains et saufs, et ça, c'est déjà formidable!

Copacabana 2: La Isla del Sol

Il part plusieurs fois par jour des bataillons de bateaux à destination de la Isla del Sol, l'une des plus grandes îles du lac Titicaca. La Isla del Sol a un statut particulier: ni Bolivie, ni Pérou. Ils bénéficient d'une relative indépendance, et réclament pour toute formalité d'arrivée sur leur sol quelques bolivianos en échange d'un petit ticket.


Ayant choisi à notre insu le plus lent de tous les bateaux, nous sommes arrivés bien après les autres, ce qui ne nous laissait sur l'île, en tout et pour tout que 45 minutes. A peine le temps de s'élever au dessus du village pour avoir une vue d'ensemble.

Il règne sur l'île une ambiance clame (pas de voiture, mais des arbres, des fleurs et des rivières), mercantile (tout le long du sentier, des enfants en costume traditionnel vous courent après pour vous vendre des cailloux, des amulettes, ou une photo de leur alpaca: 2 bolivianos la photo), et mystique: le long des marches, un grand blond en costume de gourou (je ne vois vraiment pas d'autre mot), les bras levés vers le ciel, vous propose (moyennant une petite contribution, bien sûr) de vous emmener sur le chemin de la méditation pour vous y révéler quelques grandes vérités sur le monde et sur vous-même.On prétend d'ailleurs que l'eau de la fontaine en haut de l'escalier a de nombreuses vertus.

On monte vers elle avec espoir pour en boire quelques gorgées qui guériront les maux qui laissent la médecine impuissante (et on repart peut-être avec les boyaux tordus...) Magique ou pas, si court qu'ait été le temps que nous y avons passé, nous avons trouvé cette île bien belle et bien paisible, un petit havre de paix où il doit faire bon marcher entre les eucalyptus, sur les cimes des collines ou le long du rivage.



Le Lac Titicaca est le plus grand lac navigable d'altitude du monde. En fait, c'est surtout une magnifique étendue d'eau, aux confins de la Cordillère des Andes, autour de laquelle il règne, quelle que soit l'agitation du rivage, une sérénité et une douceur contagieuses. Il y fait froid le matin, froid le soir, mais lorsque le soleil est au zénith, le lac devient d'un bleu appétissant, et il faut se souvenir que l'eau est glacée pour comprendre pourquoi personne ne patauge dedans.






Le temple du Soleil
A Copacabana, on sert en abondance les truites directement pêchées dans le lac par les jonques en osier qui reposent dans le port une partie de la journée.


Si Copacabana et la Isla del Sol sont nourries par le tourisme, il n'est pas difficile d'imaginer à quel point la vie des gens qui vivent autour du lac et dans les montagnes autour est différente de tout ce que nous connaissons. Descendants des quechuas, pour la plupart, ils vivent toujours en costume traditionnel, dans des cabanes de fortunes où la douche froide est déjà un luxe, n'ont de la lecture et des voyages qu'une vague idée, et ne comprennent pas l'agitation des touristes qui passent avec leur guide entre les mains, leurs attentes précises et leurs illusions fragiles.
Alpaca d’apparat photographié clandestinement pendant sa pause. 
Avec les lamas, l'éternelle question: si je fais encore un pas, il crache?