mercredi 30 juin 2010

Moi je vis chez Amélie Poulain



A la fin de l'année, on en apprend beaucoup sur ce que pensaient de vous les collègues que vous croisiez deux ou trois fois par jour 5 jours sur 7, et parfois même le week end, lorsqu'à 11h30, vous sortiez les poubelles en pyjama et tombiez sur l'un d'eux, frais et dispo, sortant de son bureau, visiblement réveillé depuis longtemps. Il y a beaucoup de professeurs avec lesquels je n'ai jamais dépassé le stade du poli "bonjour" chaque jour, ce qui ne permet pas vraiment de mesurer la sympathie réciproque qu'on se porte.

Ce matin, on a frappé à ma porte. Il était tout juste 10h30, mais j'avais un pyjama très présentable, j'ai donc ouvert, pieds nus, les cheveux en bataille, les yeux gonflés de sommeil... et je suis tombée nez à nez avec un des professeurs de littérature tchèque, barbu à l'excès, mais très élégant dans son costume des grands jours, souriant, une rose à la main.

Il m'a honorée d'un long discours en tchèque, où il était question d'une des profs de français et de quelqu'un qui aurait dit à quelqu'un que... etc...
Puis il a cérémonieusement pris ma main, en me demandant si j'allais à nouveau travailler au lycée l'an prochain. Je lui ai répondu que non, que j'allais étudier en France, alors il m'a fait la bise et m'a tendu la rose avec un grand sourire. Je l'ai remercié et il s'est éclipsé en me laissant sur le pas de la porte, stupéfaite mais ravie.

J'étais comme l'aveugle dans Le Fabuleux destin d'Amélie Poulain, quand elle lui fait faire un tour dans la rue en commentant la vie quotidienne... l'Amélie barbue et l'aveugle en pyjama qui baragouine trois mots de tchèque... tout un programme.

mardi 22 juin 2010

Le tchèque in, c'est en fin d'année

Il n'est pas question de reprendre le millefeuilles là où nous l'avions laissé, car de l'eau à coulé sous les ponts.

Le "millefeuilles", pour ceux qui ont du mal à suivre, c'est une pâtisserie, oui. C'est une aussi une métaphore que j'ai filée en novembre et décembre derniers, et qui représentait avec un parfum de vanille les étapes qui se succèdent dans la vie du petit expat qui débarque et voit pousser (ou non) des racines sous semelles. J'avais entremêlé avec une subtilité dont je n'étais d'ailleurs pas peu fière la métaphore du millefeuilles et celle des racines. Pâtissière et jardinière, j'essayais de faire comprendre qu'on s'intègre lentement à la flore locale, notamment par la puissance d'exploration des papilles.
C'est bon? vous vous souvenez? Les gros cornichons, ...

Et inexplicablement, depuis le mois de janvier, j'avais lâché l'affaire, et vous étiez restés sur votre faim, les pattes dans la terre, perplexes et impatients.
Sachez, chers lecteurs, que cette relation de dépendance ne me sied point. La métaphore du millefeuilles est une métaphore qui prend très vite son indépendance. Les feuilles poussent, verdoient et tombent toutes seules. Libre à vous de prendre votre petit paquet de feuilles et de leur donner vie vous-même!
Plein de feuilles ont poussé et son tombées depuis le dernier article à ce sujet.
Comme dirait Zazie: "J'ai vieilli", et je reprends la plume pour boucler la boucle.

Vers l'été, petit expat, votre feuillage s'est développé. Dans la douleur ou dans la joie. S'il s'est développé, c'est que les racines ont poussé plus profond dans la terre. Alors lorsque de petites ailes recommencent à vous pousser dans le dos, vous sentez poindre une certaine angoisse, car vous savez que le déracinement prochain se fera sans anesthésie. Comme dirait Rambo 7: "ça va chier!". Mais c'est comme ça. Vous êtes comme ça, et ce ne sont pas quelque malheureuses petites feuilles qui vont vous changer: tous les étés, vos ailes repoussent.

Plus les racines qui ont poussé sont profondes, plus les ailes sont petites, c'est vrai, mais qu'importe la taille, les ailes de géant ne favorisent que les poètes, car pour vous et moi, elles nous gênent pour marcher, elles nous gênent pour voler. Petites ou grandes, vous vous envolerez pareil, parce que le vent va bientôt souffler.

Si les racines n'ont pas poussé, si vos pieds ont un peu pourri dans la terre, vous attendez la bourrasque qui vous emportera avec une impatience fiévreuse, un peu préoccupée par tout le bordel que vous allez devoir empaqueter en un temps record, mais ce n'est pas grave, vous oublierez là ce qu'il faudra oublier: brosse à dents, livre de français, batterie de téléphone, des cheveux dans la douche, quelques mois de votre vie... et vous partirez.

Ces quelques mois de votre vie oubliés là-bas, sans doute les aimerez-vous bien plus tendrement lorsqu'ils seront loin, et qu'à la faveur du flou (ou de la perspective) vous pourrez les voir bien plus à votre image qu'ils ne le furent (ou que vous ne les voyiez alors).

mercredi 16 juin 2010

Tchèque à bien regarder


A partir du mois de mai, la campagne tchèque commence à devenir superbe. Les arbres justifient leur encombrante présence par des débauches de feuilles, les champs jettent enfin un pudique voile de pousses tendres sur leur nudité grise qui devenait insupportable avec le temps qui passait, les pelouses se laissent pousser des dreads locks, et dans les vitrines des magasins, c'est en bouquet qu'éclosent... .... les photos des classes de bacheliers.

En dernière année de lycée, on apprend à soigner son image. Ce sont de vraies campagnes de publicité que mènent les lycéens:
_ choisir une idée originale et fédératrice (je suis sûre qu'ils s'arrachent les yeux à moults reprises au cours de ce processus).
_ trouver un proche qui a un voisin qui connaît une fille dont la tante par alliance a une boutique dans la rue parallèle à la rue commerciale, et qui accepterait peut-être, si on le lui demande très gentiment, d'afficher le panneau de la classe.
_ trouver un lieu, du matériel et des costumes pour faire de belles photos (pas du kodak jetable flou).
_ éditer les photos. Mettre en page. Découper, coller, afficher.
_ faire savoir aux proches dans quelle boutique on a réussi, moyennant plusieurs semaines de chantage émotionnel à refourguer son trombinoscope stylisé.

Chaque panneau a donc une ambition commune: présenter les bacheliers sous leur meilleur jour, et une thématique propre à chaque classe: vampires, vamp, bébés, pompiers, punks, rockers, look de l'Amérique des années 20, baignoire et canard en plastique, classique, ...
Tous les styles sont représentés, avec une nette prédilection pour les pires, mais pas que, soyons honnêtes.






A mon avis, les deux qui souffrent le plus de cette coutume, ce sont le directeur du lycée et le prof principal de la classe, parce qu'ils sont systématiquement sur les panneaux, devoir de représentation oblige, et doivent assumer de voir leur bouille entourée de lycéens en couches culottes, de fillettes en string, d'adolescents pubères avec des gros cigares au coin des lèvres, haussant les épaules et baissant les paupières d'un air blasé, ...


La troisième photo reste ma préférée. Surtout avec la vieille qui passe.
Non seulement les murs ont des oreilles, mais ils ont des yeux, des bras, des sourires, des minijupes, des chaussures, et pas mal de talent!

mercredi 2 juin 2010

Pourquoi parfois l'automne n'est-il pas plus gris que le printemps?

Ils ont dit que:


"_ Ici, tout à l'air contenu: la nature, les gens, les maisons, les animaux, l'air, les sentiments... Tout est contenu."

"_ Ici, on sent que la vie est laborieuse. Les gens vont au travail. Ils sont sérieux."

"_ Que parece un trozo de carne muerta".

"_ Il y a quelque chose de préoccupant, d'inquiétant qui rôde. Une atmosphère glauque, une menace latente, indiscernable."

Mais de quoi parlaient-ils?