samedi 4 juillet 2009

Marguerite et le mépris




Il y a quelques semaines, j'ai entendu une interview d'une femme dont le sens de l'humour n'a jamais été reconnu à sa juste valeur, mais dont l'intelligence fait à peu près l'unanimité:
Marguerite Duras.

L'interview datait de ces brillantes années que Marguerite éclairait de sa vivante et lente présence.
Si c'était un animal, ce serait une tortue, parce que les tortues ne font jamais rien au hasard, sont sages et lentes.
Si c'était un objet, ce serait un fauteuil, pour lire, écrire et regarder par la fenêtre plusieurs heures par jour.
Si c'était un âge de la vie, ce serait une vieillesse innée.
Si c'était un évènement historique, ce serait Hisoshima.
Si c'était une boisson, ce serait un long verre de saké.
Si c'était une chanson, ce serait "Just Like a Woman", de Bob Dylan
Si c'était une couleur, ce serait le blanc.
Si c'était une maladie, ce serait la fièvre typhoïde.
Si c'était une fleur, ce serait une orchidée
Si c'était un parfum de glace, ce serait coco-curry
Si c'était un film, ce serait Le Mépris
Si c'étaient trois mots, ce serait "ventre", "douleur", "nouveau"

Le journaliste ému disait à Marguerite: " Le mépris, on le retrouve souvent chez vous. Il revient comme un poivrot dans la salle du bar-tabac de la rue des Martyrs. Je me trompe?"

Marguerite impassible disait au journaliste (oui, j'ai le culot de vous réinterpréter au style direct les paroles de cette incontournable statue): " J'ai pas mal réfléchi depuis que je née, et j'ai compris pas mal de trucs. Pis y'en a un que j'ai compris et que je vais vous dire aujourd'hui. Oui, vous avez raison sur le mépris. On méprise le mépris. Sans doute par ignorance. Le mépris, c'est la pire des armes. Et moi je veux le comprendre. Oui, c'est la pire des armes. Imaginez qu'un matin, Pinochet se réveille dans son palais, et qu'il soit seul. Complètement seul: que tous les ministres, les gardes, les militaires, le peuple entier, soient partis pendant la nuit. Juste partis. Sans rien laisser, ni un mot, ni une bombe. Imaginez-le seul avec ce mépris immense. Ce serait la pire chose qu'on pourrait lui faire. C'est la pire chose que l'on peut faire à un homme: le mépris. La haine, c'est encore un trop beau cadeau pour certains."

Qui est d'accord avec Marguerite?

2 commentaires:

  1. Je suis assez d'accord je crois. Quand on hait quelqu'un, on considère encore la personne comme un être humain, c'est un sentiment fort qui signifie qu'on admet l'autre dans le monde. Certes, dans un monde que l'on n'aime pas, mais on lui reconnait tout de même une existence. Mépriser, c'est ignorer l'existence de cette personne, la rabaisser au rang de détail, de décor gênant et dont on peut parfaitement se passer. C'est nier l'autre en tant qu'être.
    Donc je crois que oui, le mépris est pire que la haine.

    PS: désolée pour cette philosophie de lendemain de soirée, je retourne me coucher...!

    RépondreSupprimer
  2. Je suis d'accord aussi: la haine est une forme de reconnaissance, le mépris, c'est une insulte.

    Maintenant, je ne suis pas d'accord sur l'éloge du mépris : le mépris, c'est aussi ce qu'on ressent quand on ne connait pas bien, quand on ne veut pas fait l'effort de connaître. Le mépris, c'est parfois un peu trop facile.
    Je dis ça, je le pratique tous les jours. Mais j'essaie de me soigner^^

    RépondreSupprimer