samedi 8 octobre 2011

Banquière II Altermondialiste

A part les initiales de mes grand-parents, en général je ne partage pas grand chose avec ma banque, et je ne suis jamais très pressée de répondre aux sollicitations de "faire le point avec un conseiller à votre écoute" qu'elle m'envoie régulièrement.
D'ailleurs, je n'ai jamais vu aucun de mes conseillers plus d'une fois. Car à ma banque, les conseillers changent tous les deux ans.
Il s'agit d'éviter que s'installe trop de promiscuité entre les clients et les banquiers. Avec moi, du coup, ça marche très bien.
J'ai déjà rencontré 4 banquières, et la 5ème attend depuis quelques mois d'avoir le plaisir de faire ma connaissance, et réciproquement.

J'avais pris rendez-vous avec ma 3ème banquière presque un an après qu'elle me l'avait proposé. Et je m'y étais rendue comme d'habitude, en traînant des pieds et la tête dans les nuages, mais bien décidée à ne pas ouvrir des quantités de comptes dont je n'avais absolument pas besoin.
La banquière était une femme d'une quarantaine d'année, aux cheveux courts, grande et sportive. Elle me serra la main et m'invita à prendre place dans son bureau, tout cela était très normal. Elle avait mon dossier sur son bureau, m'en fit un résumé, actualisa quelques informations, puis me présenta quelques "produits bancaires" adaptés à ma situation. Tout cela aussi était très normal, et je m'y attendais. Ce qui me surprit, en revanche, fut que, je ne sais plus comment, la conversation tomba sur la nécessité ou non pour moi de changer de téléphone ou d'ordinateur, et je lui fis savoir que puisque les miens fonctionnaient très bien, je n'avais pas de projet d'en acheter de nouveaux. Elle posa alors les mains à plat sur son bureau, et me dit qu'elle était comme moi, et qu'elle ne voyait pas l'intérêt de passer plus de temps à choisir son nouveau téléphone qu'à l'utiliser.
"Mon fils veut tout le temps qu'on lui achète les nouveaux ordinateurs, les nouveaux portables, les nouveaux mp3... Moi je sais même pas ce que c'est, le mp3!!"
Je ne pouvais qu'aller dans son sens (même si moi, je sais un petit peu ce que c'est, le mp3).
"Pffff si ça ne tenait qu'à moi, je vous jure, ça ferait longtemps qu'on vivrait à la campagne, et il saurait un peu mieux ce que c'est la vie, la terre, la consommation, etc... Mais on ne choisit pas. On est là pour consommer, consommer, consommer... Ils n'ont que ce mot à la bouche, non mais où on va comme ça? Et de penser que ce sont des jeunes comme mon fils qui vont prendre le relai, ça me rassure pas! Vous imaginez? Il est incapable d'écrire une phrase correcte, mais alors pour taper un code de carte bleue, là, pas de problème!! Moi je voudrais juste vivre à la campagne, où on peut se déplacer en vélo et vivre au milieu des vraies choses, dans un vrai environnement, et où il faut lever le bras pour avoir du réseau... Pas du virtuel et de la consommation, parce que ces jeunes, toujours le nez sur un écran, ils ne savent plus où ils sont! ils sont incapables de communiquer autrement qu'en langage sms, même quand ils parlent. Leur vocabulaire est réduit de moitié par rapport à celui qu'on avait à leur âge... ça me fait mal au cœur!!!"
Je ne l'aurais pas interrompue pour tout l'or du monde, consciente de vivre un moment assez rare: ma conseillère bancaire, employée d'une des banques les plus puissantes de France, en train de m'expliquer que le monde de la consommation, ça la rendait folle... Je me sentais comme une promeneuse qui aperçoit Bambi en train de téter sa mère et n'ose plus respirer de peur d'interrompre ce joli spectacle.
"N'est-ce pas?
_ Ah oui! si si! Tout à fait!"



Sans ouvrir aucun nouveau compte, mais avec le sentiment de m'être enrichie plus que de coutume, je quittai ma banquière avec un sourire, et l'impression d'avoir été le témoin complice de quelque chose de hautement interdit, mais grandement délectable.
Je ne l'ai jamais revue. Lorsque j'ai repris rendez-vous avec ma banque un et demi plus tard pour refaire un bilan, une jeune femme bien plus "académique" me reçut, avec la ferme intention de me faire ouvrir quelques comptes.



Certes, cette banquière, elle ne changeait pas le monde, avec ses petites idées de liberté et d'authenticité, mais "elle changeait la vie", et ce fut agréable.

1 commentaire:

  1. Salut,
    trois choses m'ont fait plaisir dans cet article la.
    1) Tres belle premiere photo:)! Tu as un visage tres jeune la-bas.
    2) La photo numéro deux - tres beau souvenir :)
    3) Et biensur la banquiere "pas traditionnele" - vachement sympa:)

    RépondreSupprimer