mercredi 16 décembre 2009

Stastni Vanoce, deti! (Chtiastni vanotce diéti!)

Vous vous donneriez (peut-être) un bras pour savoir ce que je fais le week end à Hradec Kralove?
Eh bien quand je n'attends pas le train à 3h du matin dans une boîte lugubre entre Bob l'Eponge et Dom Juan, les pieds collés au sol par des litres de bière séchés (dans le meilleur des cas), je cuisine dans des maisons équipées d'un four (c'est à dire pas la mienne).
C'est ainsi que samedi dernier, j'ai passé le week end dans une famille tchèque. Nous avons cuisiné des pâtisseries de Noël, nous avons guetté Saint-Nicolas et le Père Fouettard, nous avons appris des mots, nous avons vu un film tchèque, et nous sommes allés à la messe.
Parce que Noël en République Tchèque, mes chers petits consommateurs stressés qui regardez avec angoisse vos calendrier de l'Avent approcher dramatiquement vite de l'utlimatum sans que votre hotte à cadeaux ne prennent un gramme, Noël en République Tchèque, donc, c'est du sérieux!
Un mois avant Noël, les maîtresses de maison se rendent dans les grandes surfaces et remplissent de farine, beurre, sucre, noix, chocolat, miel, ... leurs chariots comme si elles s'apprêtaient à tenir un siège.
Puis, tous les week ends jusqu'au 25 décembre, elles mesurent, mélangent, malaxent, enfournent, défournent, tartinent, coupent, lavent, stockent des kilos de pâtisseries. Aucune maîtresse de maison tchèque ne survivrait à la honte de n'avoir pas à offrir à ses invités de pleines et variées corbeilles de sucreries.
Samedi dernier, nous avons métamorphosé en biscuits 1,5kg de beurre, 2kg de farine, 600g de noix moulues, 600g de sucre, quelques sachets de sucre vanillé, soit 4,7 kg de nourriture, et je ne vous parle pas des litres d'huile de coude ni de la facture d'électricité.
C'était donc une juste récompense que de se planter le soir venu devant un film. Tchèque bien entendu, et non sous-titré, je ne vois pas l'intérêt de poser la question. Nous avons vu un film dont le titre, traduit en français, a quelque chose d'inquiétant: "L'ange du Seigneur".
Les tchèque ont gagné il y a quelques années la palme du pays le plus athée d'Europe. Sachant que l'Europe est probablement le continent le plus athée du monde, à l'exception peut-être de l'Antarctique, on pourrait en déduire un peu promptement et sans aucune rigueur scientifique que la République Tchèque pourrait être le pays le plus athée du monde. Alors que vient faire "L'ange du Seigneur" dans leur filmographie?
On ouvre les yeux, j'explique:
_ Tout d'abord, les tchèques sont peut-être très athées, mais ils sont romantiques et aiment ce qui est féérique, plus encore à l'approche de Noël. En hiver, il fait nuit à 16h. Ca laisse beaucoup d'heures d'obscurité et de veille pour se faire des films les mains posées sur une tasse de thé brûlant. Il existe une vraie tradition des contes de Noël en version film, ici. C'est un exercice de style obligatoire: les plus grands acteurs et les plus grands réalisateurs doivent un jour ou l'autre s'y plier. On compte en général un nouveau conte de Noël-film par an, attendu par grands et petits à la télévision pendant la soirée du 24 décembre. C'est l'incontournable évènement culturel de l'Avent. On avait prévu de voir Cendrillon (Popelka), mais sur le Dvd, il y avait l'image... sans le son. Moi ça ne me gênait pas beaucoup vu mon pauvre niveau de compréhension du tchèque, mais ça ne faisait pas très sérieux.
_ Ils ont déjà Cendrillon, ils ont déjà tous les contes tchèques, il faut maintenant en inventer, fabriquer de la mythologie qui fasse rêver sans faire pleurer, qui émeuvent sans faire penser, qui fasse réfléchir sans faire chauffer les neurones... et comme rien ne se crée, rien ne se perd, tout se transforme, quoi de plus pratique que de faire du neuf avec du vieux? Quitte à être athée, autant utiliser la matière religieuse sans complexe. D'ailleurs, ici, le Père Noël, on n'en n'a rien à foutre. C'est le Petit Jésus (Jesichech) qui apporte les cadeaux aux gentils enfants (qu'il serve au moins à quelque chose, celui-là, bon Dieu!)
"L'ange du Seigneur" raconte donc l'histoire d'un ange qui s'ennuie au paradis, qui embête tout le monde parce qu'il n'est doué pour rien, et qui est persuadé que la vie est bien plus facile sur Terre. Dieu, dans sa très grande sagesse, l'envoie donc acquérir une connaissance empirique de la vie terrestre, avec comme mission d'accomplir un miracle de Noël: en 24h, l'ange doit rendre bon un homme mauvais.
Et voilà notre ange tout sûr de lui balancé dans un château plein de mauvaises gens: un jeune et beau comte qui boit comme un trou, un intendant lubrique, une comptable voleuse, un bûcheron chapardeur, et seule au milieu de tous, amoureuse éperdue du comte, douce et belle, une jeune servante orpheline, qui tente de faire le bien sans s'en prendre trop plein la gueule.
Le diable, qui est bon diable, accompagne l'ange dans ses mésaventures, et fait preuve de bien plus de finesse et de bonté que lui. Le film termine par une formidable scène d'action au cours de laquelle l'intendant force la belle servante à l'épouser, mais comme c'est le diable qui célèbre l'union, déguisé en prêtre, le mariage doit être annulé, et l'épousée, enlevée par le comte métamorphosé en clochard par une maladresse de l'ange, s'enfuit avec tambours, trompettes, le diable et l'ange dans une carriole que le hasard avait eu l'heur de placer là, pour aller dans l'église voisine se marier, cette fois pour de bon. Et comme la jouvencelle refuse d'épouser un clodo (elle est dévouée aux bonnes causes, à condition de ne pas pousser mémé dans les orties), l'ange vend son âme au diable pour redonner au comte sa belle et fraîche (et riche) apparence. Dans une apothéose digne des miracles du Moyen Age, l'ange monte alors au ciel au lieu de l'enfer, et Dieu lui fait remarquer que contre toute attente, il a assagi un homme mauvais... mais qui? mais qui? mais qui?
Vous l'aurez deviné, incorrigibles fanatiques de fictions cousues de fil blanc: c'est lui-même que notre ange a rendu humble et pieux!
C'est donc avec une belle leçon de vie et du grain à moudre que je m'allai coucher ce soir là.
Le lendemain, nous étions déjà en odeur de sainteté pour aller à la messe. Personnellement, j'étais surtout à la masse, ce qui m'a permis de découvrir une chose intéressante: il est bien plus agréable de suivre une messe dans une langue parfaitement (ou presque) étrangère, car vous n'avez aucune tentation d'écouter ce qui se dit, et rien ne vient distraire le fil de vos pensées. Pendant que l'assemblée s'élevait vers Dieu, j'ai plongé avec délectation dans une abîme de réflexions.
C'est Saint-Nicolas et le Père Fouettard qui m'en ont tiré en apparaissant à la fin de l'office, suivis de deux anges portant une corbeille remplie de paquets cadeaux. Les enfants se sont précipités vers eux, et chacun a reçu un cadeau à son nom, accompagné d'un commentaire plus ou moins élogieux sur sa conduite de l'année, et de quelques conseils pour l'année à venir.
Il ne manquait que la neige et le froid pour que Noël ait des airs complètement traditionnel, mais là...

1 commentaire:

  1. il a l'air folklo ce film ! dès qu'il est traduit en télougou, je cours au ciné pour le regarder :)
    d'ici là, je suis sure que la poste te laisserait m'envoyer quelques gâteaux qui ont ma foi l'air bien bons... allez, c'est Noël, quoi !

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