Où l'on tâchera de vous faire oublier l'itinéraire mappy au profit de l'itinéraire bis. Suggestions bienvenues.
mardi 2 février 2010
El viaje a ningun parte
Parfois, il faut écouter ce que disent les signes. Ce n'est pas Mme Soleil qui me contredirait.
Un certain nombre de fois, j'ai fait fi des signes pour le moins explicites que mon ange gardien mettait sur mon chemin pour m'avertir quand je me dirigeais la fleur au sourire vers une galère. Et ça n'a jamais manqué: la galère est toujours tombée. C'est une science bien plus exacte que la météo.
C'est la loi dite de la tartine:
"Quand dès le matin tu as le nez bouché, ta tartine tombe dans ton bol en éclaboussant sans pitié tes vêtements tout propres et en transformant ton petit déjeuner en bouillie informe et sans saveur, quand tes clefs sont introuvables, que le bus te passe sous le nez et qu'en sortant tu marches directement du pied gauche dans une merde qui n'était pas là hier soir, tu n'insistes pas, tu remontes chez toi et tu te recouches, parce le destin essaie vraisemblablement de te dire quelque chose." Qui sait quelle effroyable tragédie pourrait arriver si on persistait?
Il y a quelques jours, j'ai voulu aller rendre visite à Eve, à Turin, pensant avec une naïveté touchante que ce serait aussi facile que Prague-Paris en bus, puisque la distance en kilomètres est à quelques poussières près la même.
J'avais avec un sens de l'organisation dont je ne suis pas peu fière, et qui est le fruit de nombreux exercices de concentration quotidiens devant mon ordinateur, entamé quelques recherches inter-nautiques pour voir les horaires des bus et les correspondances les plus pratiques. Sur le site d'Eurolines on ne proposait pas de liaison République Tchèque-Italie. Sur le site de Student Agency, on en proposait une par semaine.
Avec cette brillante et belle souplesse d'esprit que beaucoup d'entre-vous m'envient, je le sais bien, j'avais donc considéré que nous verrions sur place, et que ni les tchèques ni les italiens ne maîtrisaient bien l'outil informatique. C'est un fait entendu.
J'avais fait mon sac, confié mes clefs à Florence pour qu'elle nourrisse Luna. Embrassé Luna malgré elle, et avait pris le bus pour Prague, en pleine tempête de neige.
Le bus pour Prague m'a coûté 40 Kc de plus que prévu, et ne s'est pas arrêté à la gare autoroutière comme je le pensais, mais dans un obscur centre commercial de la banlieue de Prague. D'assez mauvaise humeur, j'ai pris le metro.
A la gare autoroutière, on me dit chez Eurolines comme chez Student Agency que s'il n'y avait pas d'horaires proposées sur internet, c'est parce qu'il n'y avait pas de bus pour l'Italie.
Ayant perdu une bataille mais pas la guerre, je pris immédiatement le chemin de la gare ferroviaire. Dans ma précipitation, je me trompai de sens et dû faire demi-tour en métro, le voyage me dura donc vingt minutes au lieu de cinq.
A la gare, on m'annonça qu'il y avait un train pour Vienne, puis une correspondance pour Villach, et que de là je pourrais prendre un bus qui me déposerait à Milan, où je trouverais sans doute un moyen de transport pour Turin. Il y en avait pour au moins 18h de route, mais j'acceptais avec un enthousiasme que modéra très sérieusement le prix qu'on m'annonçait pour la seule première moitié du voyage. Avec le menton tremblant et des trémolos dans la voix, j'acceptais néanmoins la tête haute ce nouveau coup du destin: 2500 Kc pour une moitié de route et 12h de train.
Il me restait cinq heures à massacrer avant le départ du train. J'accomplis ce crime ni vu ni connu dans un bar tranquille à deux minutes de la gare en regardant tomber la neige, un thé dans une main, un livre dans l'autre.
Contrairement à l'ensemble des trains du panneau d'affichage, notre train est arrivé à l'heure, et n'est parti qu'avec vingt minutes de retard.
Vers le milieu de la nuit, il s'est arrêté dans une station, et n'a redémarré, sans la moindre explication, que deux heures trente plus tard, c'est à dire deux heures après le départ de mon train pour Villach. Le mec du guichet m'annonça dans un anglais rudimentaireque je pouvais prendre un autre train plus tard dans la journée, avec une correspondance suplémentaire. C'est vrai qu'il est bon de sortir prendre un peu l'air pendant les voyages. Cinq correspondances, ce sont cinq occasions de respirer l'air pur des gares, voire de s'en imprégner, car certaines correspondances dureraient quatre heures.
Bien décidée à couper l'herbe sous les pieds du destin contraire, la bouche pâteuse de cette courte nuit sur une banquette de train, les yeux pochés, l'estomac vide, je traversai la ville en metro pour aller à la gare autoroutière, voir si de Vienne partaient des bus pour l'Italie, quelle que soit la ville.
A la gare, un charmant jeune homme m'expliqua avec une certaine ironie qu'il ne pouvait pas me donner les horaires des bus pour l'Italie, puisqu'il n'y en n'avait. Devant ma mine dépitée, il fit un effort et me trouva un bus qui partait le soir à 20h30 pour Bologne (7h30). Je le remerciais et m'assis avec un début de lassitude.
Eve que j'appelai pour avoir son avis me convainquit de tenir bon et de prendre ce bus. Soit. Il ne me restait donc, à 9h15, que 11h15 à occuper!
Promenades dans la ville sous la neige, consommations minimales dans des cafés où je restais trois heures devant un verre vide, lecture et sieste à la bibliothèque...
Parenthèse: une bibliothèque est un lieu où l'on peut rester longtemps au chaud sans avoir à sortir un euro pour justifier sa présence, dans un environnement agréable, et qui permet de s'intégrer artificiellement à la vie quotidienne des indigènes.
Fin de parenthèse.
Et c'est alors que le destin sortit son joker. Après avoir tenté en vain quelques tours déjà ingénieux, il passa à la vitesse supérieure, à la frontière du réel.
"Ah oui, il y a bien un bus qui part ce soir pour Bologne, mademoiselle, mais ça n'est pas la peine de l'attendre, il est complet. Il vient de Bratislava et ce sont les slovaques qui ont acheté tous les billets."
Bon, ma bonne étoile sortait la grosse artillerie pour me dissuader. J'ai donc renoncé, car je frémissais à l'idée de l'ampleur de la catastrophe qui me pendait au nez pour solliciter un tel déploiement de signes annonciateurs.
Le retour se passa sans encombres.
Depuis je suis avec attention les informations pour savoir quel cataclysme j'ai évité. Mais je n'ai rien entendu.
Il a dû être annulé parce que j'ai renoncé... ... ... ... ...
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Cela va sans dire.
RépondreSupprimerLes coups du destin, ce sont des rendez-vous : soit tu y es et il te tombe dessus, soit tu n'y es pas et il laisse tomber.