jeudi 4 février 2010

La nuit, je m'en (mords les doigts)


Quand la nuit tombe, les remparts de l'imagination tombent avec elle, et un monde se lève derrière ma porte.


Et j'en entends, des choses et des gens dans les couloirs, lorsque le jour décline!

Ce sont des rires en cascade dans les escaliers et des mots qui glissent le long des murs: les rires morts des élèves, et les toutes les paroles prononcées et vite oubliées dans les salles de classe, l'âme en peine, cherchant le corps qu'ils pourront obséder jusqu'à la démence.

Ce sont des pas. Perdus le plus souvent. Ils cherchent le chemin.

Ce sont des boules de neige en plein rally. Mais comme les boules de neige n'ont pas d'yeux, certaines finissent parfois par s'écraser contre ma vitre à des heures indues.

Ce sont des vents de folie qui font claquer les portes sur leur passage.

Il y a quelques loup-garous psychopathes mono-maniaques concentrés sur l'appropriation du mal à travers le sacrifice sanglant d'assistantes de langues innocentes. S'ils n'ont pas encore frappé à ma porte, c'est juste parce que les tchèques sont timides et respectueux.

Ce sont des régiments de grains de poussière en transhumance d'un tapis à l'autre. Ils avancent d'un pas feutrés. Seul un voile d'obscurité supplémentaire dans l'obscurité permet de deviner leur passage. Luna en rapporte toujours quelques garnisons au bout de ses moustaches quand elle va jouer dans la cave.

Ce sont des soupirs qui déchirent l'âme si on leur ouvre la porte.

Ce sont des plantes vertes qui vont voir leurs potes pour fumer un joint quand la fenêtre est restée entrouverte.

C'est le Père Fouettard qui traîne sa mélancolie de table en chaise, parce que personne ne fait appel à lui dans ce lycée où l'élève est roi, fût-il un cuistre.

Ce sont des professeurs somnambules qui basculent vers le côté obscur et chantent "à la claire fontaine" dans le noir, en piétinant lourdement les parquets grinçants et le marbre crissant.

Et moi, dans ma salle de classe déguisée en appartement, je reste brave, mais pas téméraire. Sur la pointe des pieds, sur la pointe de mon cœur qui accroche les côtes en hurlant pour qu'on le laisse sortir, je m'approche de la porte.
D'un geste qui s'espère silencieux au point de ne même pas mouvoir l'air, je tends la main vers la clef dans la serrure. Dans une tempête organique (le cœur, les reins, le foie, la vésicule biliaire, l'estomac, les poumons, tout le monde tape violemment contre les parois pour sortir de là et crisser son camp tant qu'il en est encore temps), je tourne la clef pour vérifier que c'est bien à double tour que la porte est fermée.
Alors je reviens en trottinant dans la pièce principale, et je monte le son, j'allume des bougies, je vaporise du parfum, je fais cuire des choses qui sentent bon, et je joue à chat avec Luna, pour conjurer toutes ces angoisses à pattes, tout de noir et froid vêtues par un peu de vie et de lumière.

2 commentaires:

  1. L'écoute pas!
    Moi je suis sure que Luna est un chat magique mise sur ta route pour te protéger et que ses superpouvoirs se réveilleraient si tu devais être en danger!

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