dimanche 7 mars 2010

La dictature pour les nuls




Dans le dictionnaire, on définit un dictateur comme une personne qui s'empare du pouvoir par la violence et la conserve par la terreur.
C'est un peu court.
Un dictateur, c'est bien plus que cela!

Un dictateur, c'est tout d'abord un sportif. Une personne qui a su dépasser ses limites, encaisser les coups et les rendre au centuple. Un battant qui a avancé dans la douleur, sans jamais s'écouter, ni écouter les autres, mais en parlant, en grimpant la longue échelle du pouvoir mot par mot. Une araignée dont la patience et la perspicacité ont été récompensées. Un juste qui dort sur ses deux oreilles, et se couche avec la fierté du devoir accompli, contemplant aux lueurs vespérales, un verre de scotch à la main, l'étendue du chemin parcouru à la simple force de ses chevilles, dont la légère enflure est compréhensible après l'effort. Oui, un dictateur est un homme qui peut bel et bien dormir serein, car il sait que son seul crime est d'avoir été le meilleur.
Philosophe, le dictateur sait qu'il est humain, et que seuls sont humains ceux qui lui ressemblent, et que seuls lui ressemblent ceux qui lui sont supérieurs, c'est à dire... personne, ou si peu de monde.
C'est pourquoi, bien que l'âme paisible, le dictateur est seul, effroyablement seul, car le dictateur est le seul humain sur Terre.
Il voit au delà des apparences, et dans cette humble partie de la société qu'on nomme pudiquement "les autres", il sait qu'il n'y a que des ombres, des images animées, des enveloppes, des objets, au mieux du bétail, en aucun cas des semblables.

Lorsqu'il se lève le matin, le dictateur est seul. Lorsqu'il ouvre la bouche devant le miroir pour regarder sa langue et boire quelques gorgées d'eau fraîche avant le petit déjeuner, le dictateur est seul. Lorsqu'il verse le café dans sa tasse et beurre sa biscotte, le dictateur est seul. Lorsque la biscotte se brise entre ses doigts et tombe directement dans la tasse de café chaud, le dictateur est hyper seul. Lorsqu'il vient acheter son pain chez vous et vous souhaite une bonne journée en partant, le dictateur est seul, et lorsqu'il revient trois minutes plus tard vous faire remarquer que vous avez oublié de lui rendre dix centimes, il sue la solitude et laisse une effluve de détresse derrière lui. Lorsqu'il choisit ses chaussettes et hésite entre les chaussettes renforcées au bout des orteils ou renforcées sous les talons, il est seul, et lorsque le vendeur lui explique qu'il utilise depuis quelques mois les chaussettes renforcées sous les talons et qu'il en est très satisfait, le vendeur ne sait pas qu'il parle dans le vide, parce que le dictateur est toujours aussi irrémédiablement seul. Lorsque sa vieille mère lui ressert une cuillerée de purée en le grondant d'avoir si mauvaise mine, il est seul, et si une femme lui sourit dans la rue, il n'en n'est pas moins seul. Lorsqu'il vous parle, il monologue. Il n'y a que face au miroir qu'il dialogue enfin, et encore, pas tous les jours.
C'est pourquoi le dictateur aime les discours: parler, parler, parler, remplir le vide, et si l'on a bien parlé, recevoir l'écho de ses propres paroles dans les bouches des "autres".

Mais certains jours, le dictateurs vous regarde, et dans son œil vide passe un lueur de haine.
Car le dictateur est jaloux: pourquoi, alors qu'il est humain et pas vous, vivez-vous et pas lui? Où coule cette fontaine à laquelle vous buvez tous et lui n'a pas accès? Rien ne l'empêcherait de boire votre sang, si ce n'est ce "goût du sans" qu'il a toujours dans la bouche et qui vide son appétit de toute humanité.
Le soir en se couchant, il a des idées bravaches qui le font rire, il pense au jour où d'autres humains, comme lui, dans dix ans, dans cent ans, dans une ère entière parleront de lui et ne penseront pas l'ombre d'un instant à vous.

1 commentaire:

  1. tiens tiens... je la connais cette pancarte "moins de CRS plus de caresses" ;-)

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