dimanche 15 janvier 2012

La voiture à 5 sous

Il y a quelques semaines, j'ai vécu une aventure toute nouvelle pour moi: vendre ma voiture.

Eh oui, ma brave voiture blanche, qui bondissait sur les routes et me menait fidèlement d'un bout à l'autre de l'Europe était devenue un poids en banlieue parisienne, où les joies des transports en commun remplacent "efficacement" celles de la voiture. Elle passait de longues semaines à me regarder monter et descendre du bus, des fourmis dans les roues, des feuilles sur son toit, et des gouttes de pluie coulant longuement le long de ses vitres ankylosées. Elle avait besoin d'un nouveau propriétaire qui lui redonnerait vie et mouvement.
J'ai donc demandé conseil à mon garagiste, qui m'a dit rondement:
"_ Ecoutez, je ne suis pas un spécialiste des vieilles voitures comme la vôtre, mais je pense que le mieux, vu que les pièces sont en bon état, mais qu'elle est très vieille, c'est de la mettre en vente à un prix assez élevé pour vous laisser une large marge de négociation. Les gens aiment bien avoir l'impression d'y gagner quand ils achètent. Commencez à 1200, comme ça vous la vendez à 900€ et vous vous en tirez bien."
Soit.
3 mois plus tard, mon annonce à 1150€ n'avait intéressé personne, et je baissai le prix à 800€. Il se passa encore quelques semaines pendant lesquelles je reçus quelques coups de téléphone: "Bonjour, c'est à propos de la voiture.
_ Bonjour, oui, elle est toujours à vendre.
_ Elle est à essence ou à diesel?
_ Essence.
_ Ah. Je vous rappelle, au revoir."
Bref, rien de très prometteur.

Et soudain, le jour de Noël, un coup de téléphone: "Je veux voir votre voiture aujourd'hui.
_ Ah. Mais aujourd'hui c'est compliqué, j'ai de la famille à la maison... Demain?
_ Aujourd'hui. Demain non."

Ce fut donc le 25 décembre au soir que je fis visiter ma voiture pour la première fois. Lorsqu'on vend un bien, comme lorsqu'on fait des voyages, des études, comme pour toute expérience humaine d'ailleurs, on rencontre des personnes auxquelles on n'aurait pas parlé sinon.
En l'occurrence, la première personne à visiter ma voiture fut un spécialiste, qui l'ausculta en silence sous toutes ses coutures, posant de temps en temps une question dont il n'avait pas l'air d'écouter la réponse et n'écoutant aucune des remarques que je lui fis. Il finit par me dire:
"_ La voiture je la prends. Le problème c'est le prix.
_ je peux la descendre un peu... 700€?
_ Non. Proposez un prix.
_ 650?
_ Non. Vous pouvez descendre jusqu'à combien?
_ Et vous, vous pouvez monter jusqu'à combien?
_ C'est pas à moi de dire, c'est vous qui la vendez.
_ Je ne sais pas, mon offre peut dépendre de vous..."
Tout ça pour proposer 400€ par sms deux heures plus tard.
J'ai découvert ce soir là que lorsqu'on vend sa voiture, on expose à de parfaits inconnus une part finalement intime de soi-même, mais que les autres ne sont pas disposés à respecter comme étant intime, mais monnayable. Ça peut faire un peu mal.   

Ensuite, il y a eut le bon frangin spécialiste de voitures lui aussi:
"_ Bon, c'est pour ma soeur. Elle a besoin d'une bonne voiture, mais on est limités sur les sous. Votre voiture, c'est pas vraiment une bonne voiture, je m'y connais, je vous le dis honnêtement, mais je peux vous la prendre à 400€. ""Allô Maman? Oui, je peux pas trop de répondre là. Je regarde pour la voiture. Oui, je te rappelle après... Faut qu'on discute, tu vas voir."" Alors?"

Le mystique acheteur par sms à 23h:
"_ Elle est toujours en vente la Clio?
_ C'est une Peugeot.
_ Ouais, c'est quoi les pièces à changer?
_ Y'en a pas, j'en ai changé plein récemment (Il faut bien la vendre!)
_ Ah, très bien. Pourquoi vous la vendez?
_ Je pars à l'étranger.
_ Très bien. Vous pouvez venir me la montrer à Cité U demain?
_ Euh, ça m'embête, je ne tiens pas à entrer dans Paris.
_ Mais si, ça va aller. C'est quoi le plus bas prix où vous pouvez la vendre?
_ J'ai eu des offres à 400€.
_ Je vous la prends à 450€. Mais je les aurai pas demain. Mais je vous prends la voiture.
_ J'ai encore des visites demain.
_ Oui, bon, on se retrouve à 18h alors, à Cité U? Elle est de quelle année déjà?
_ 1994.
_ Vous pensez qu'elle a encore de la vie?
_ Oui, elle a été toujours très bien entretenue.
_ Alors je suis décidé, je la prends. A demain. "

Le mystérieux M.S: "Allô? Je vous appelle au sujet de la Peugeot qui est en vente. Je suis M.S. Vous la vendez à combien?
_ J'ai une offre à 500€.
_ Je vous la prends à 600€.
_ D'accord, mais vous voudriez peut-être la voir, non?
_ Non non. Pas besoin, je l'ai vue dans la rue, ça suffit."

Et enfin, la famille qui l'a achetée, venue en délégation: la fille, le père et le cousin, qui la voulaient à l'instant même et sont repartis avec le lendemain.

Vendre une voiture, c'est bien plus fatigant et stressant que passer un examen. Il faut montrer à plein de gens qu'on ne connaît pas un objet avec lequel on a vécu, dans lequel on a investit beaucoup de sentiments et (trop) d'argent. Il faut naviguer entre le désir d'en finir au plus vite et le besoin de finir au mieux.

De cette expérience me viennent deux remarques:
_ Arghhhh! Le pincement au cœur quand j'ai mis en souriant les clés et les papiers de ma toute première voiture dans les mains de sa nouvelle propriétaire.
Bibi, jamais je ne t'oublierai!!! tu auras toujours une place de créneau large et facile à prendre dans mon cœur!!
_ La tête des gens, c'est quand même bien souvent un sacré bordel. Never forget that!





Souvenirs souvenirs...












1 commentaire:

  1. C'est trop chou comme histoire, on dirait que tu parles d'une bonne amie. C'est un peu le cas d'ailleurs...
    Positive : ça te fait des sous à investir dans tes nouvelles aventures au Pérou :)
    Et puis, c'est mieux d'être rachetée qu'envoyée à la casse...

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