vendredi 15 mai 2009

VIP


La salle des profs, faut être prof pour y entrer (si si!). C'est à dire qu'il faut faire partie des VIP:
Les Vraiment Intégrés au monde des adultes, j'ai nommé: les Professeurs.

Quel élève n'a pas fantasmé un jour en regardant les profs disparaître derrière cette porte à la récréation?
Pourquoi donc?
Parce qu'ils parlent sûrement de vous et vous voudriez savoir ce qu'ils disent? Ou parce que derrière cette porte, c'est la loge où les profs tombent le masque trois minutes pour essuyer la sueur qui coule dessous?

Petits élèves qui vous imaginez la salle des profs pleine de mystères et de magie, arrêtez votre char, descendez de vos grands chevaux, et donnez-moi deux minutes d'attention: "Oui, vous avez raison, dans la salle des profs, les profs se mettent à nu, au sens propre, et derrière cette porte, ils vous mettent à nu aussi, ne parlent que de vous, vident entre eux leurs sacs pleins des essences les plus profondes de vos personnalités, de toutes ces choses vagues qui passent dans vos yeux quand ils croisent les leurs, et que vous craignez, à juste titre, qu'ils n'interceptent. Tout. Oui, ils parlent avec les esprits des profs morts, et mangent des livres serrés entre deux tranches de pain intégral. Oui, ils boivent de grands verre d'encre en se massant les mollets avec de l'huile surgelée, et ils allument des bougies parfumées à l'opium en fumant des craies. Oui, ils fabriquent des poupées vaudou de vous en récupérant le sel des larmes séchées sur vos copies, et les font sauter à la poêle avec du saindoux, ou alors ils leur ouvrent la tête pour la remplir de papier mâché et de tipex..."
Non mais vraiment, vous êtes de grands malades pour aller vous imaginer tout ça!!!!!!
Dans la salle des profs, des adultes de bonne ou de mauvaise humeur viennent taper la discut autour d'un café à l'odeur acide, ou d'un chocolat hyper sucré. Ils parlent de leurs petits problèmes de santé, commentent l'actualité, se lancent des vannes. Il y a les perruches sèches et coquettes qui chauffent des bancs d'églises à leurs heures perdues, il y a les jeunes parents qui parlent couches et gazouillis, il y a les célibataires qui se racontent leurs derniers exploits ou leurs dernières déroutes, il y a les syndicalistes qui se dressent comme des murs au milieu de la salle, il y a les remplaçants qui se la jouent humble et discrète ...
Et il y moi, qui en plus de faire partie de la dernière catégorie, appartient à une minorité très particulière: les étrangers. Généralement, je suis le petit paquet souriant à un bout de table, qui fait semblant de lire le journal ou de relire ses cours, mais qui tend l'oreille autant qu'oreille se peut tendre.
Ma spécialité, dans la salle des profs, c'est d'arriver la première le matin. J'arrive à peu près un quart d'heure avant le début des cours. Dans les couloirs, pas un élève, dans la salle des profs, pas un prof, les volets sont baissés, j'en lève un ou deux, et le soleil vient jeter un œil brillant. Nous restons généralement en tête à tête lui et moi pendant une dizaine de minutes. Puis arrivent les deux premiers collègues, qui me proposent systématiquement un café que je refuse poliment.
Dans les minutes qui suivent, la salle se remplit, les couloirs résonnent, les regards se croisent dans tous les sens, on ne peut plus y échapper: la journée a commencé, la cloche va bientôt sonner, et avec elle le début du match prof/élève de la journée.

2 commentaires:

  1. tu crois que c'est à cause de cette fascination pour "l'autre côté de la porte" qu'on est devenues profs ??? on devrait ptet en parler à un psy... :$

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  2. tellement bien décrit!!!
    quoique, es-tu certaine que personne ne fait de poupées vaudou? là j'ai un doute, j'ai croisé un prof qui avait l'air très occupé avec des copies et une punaise, la dernière fois...

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