lundi 2 novembre 2009

Premières racines, premiers cailloux métaphoriques



Cette phase là commence quand on se rend compte qu'on sait aller directement au rayon des épices, sans se tromper, et sans scotcher des heures sur les pots de gros concombres. On connaît les produits, les prix, et même le visage de quelques caissières.
C'est une phase exaltante, parce qu'on sent bien que quelques racines sont en train de sortir, et on s'enorgueillit démesurément de cette humble réaction on ne peut plus naturelle.
Une première hécatombe de possibles a déjà éclairci le paysage, et on peut aller au moins jusqu'au centre ville pour faire une ballade sans avoir besoin de quinze heures de sommeil pour récupérer. Le maître mot n'est plus "tous", mais "quelques": on connaît quelques parcs, quelques bars, quelques personnes, quelques mots de tchèque... on arrête de faire le compte de tout ce qu'on pourrait avoir pour faire le compte de tout ce qu'on commence à avoir. Finie la grande glissade vertigineuse de l'arrivée. C'est une phase très intensive, très luxuriante. Ces première racines qui tentent leur chance sont fragiles et assurément trop nombreuses, mais elles sont primordiales, car elles vont déterminer le reste du séjour. Selon la façon dont elles vont survivre ou mourir, d'insoupçonnés car insoupçonnables engrenages de possibles vont se mettre en mouvement.
Dans les faits, car il est temps de mettre le doigt dans le concret, on entame allègrement des liens avec tous ceux qui ont de près ou de loin l'air de vous le proposer, sans aucune restriction d'âge, de sexe, de conditions sociale ou d'affinités réelles. On ne se sent pas en position de procéder à l'habituelle sélection des amis (lecture du CV, entretien d'embauche, premier contrat à durée déterminée, puis THE contrat à durée indéterminée, avec des clauses restrictives qu'on annulera au fil du temps. Ah? vous m'étonnez!! ce n'est pas comme ça qu'on procède??? Ben ça alors!!!), et qu'on verra ça plus tard. C'est exactement à ce niveau là qu'interviennent les engrenages cités plus hauts. Parce qu'en France, en Navare, au Mali, en Algérie, au Luxembourg, en République Tchèque, c'est partout pareil: on ne peut pas être ami avec tout le monde. Alors tous ces non-choix aux quels on ne prête pas vraiment attention sont autant de petites roues qui s'enclenchent, et qui plus tard colleront parfaitement avec l'ensemble du système et lui donneront de l'ampleur et de l'aisance, ou coinceront, crisseront, gêneront, et pourriront allègrement la vie. Les jardiniers appellent ce passage "la phase Owen". Allez comprendre pourquoi!

Alors allez-y gaiement: les coudées franches, commencez une amitié par jour, faites tranquillement la liste des produits du supermarché que vous essaierez au cours de l'année, et surtout, pas de demi-mesure, parce que la troisième phase n'arrivera pas à demi, elle!

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