dimanche 29 mars 2009

30 mars

Pendant de longues années, pour mon anniversaire, on me préparait, à mon explicite et insistante demande, une charlotte au chocolat.
Pendant de longues années, pour mon anniversaire, je recevais un cadeau très spécial d'une personne qui ne l'est pas moins: spéciale.
Pendant de longues années, quand je soufflais mes bougies et que j'ouvrais mes cadeaux, mon frère m'offrait une complainte fraternelle du temps qui passe.
"Marjolaine, tu es ma petite soeur, et chaque fois que tu souffles une année de plus sur une charlotte au chocolat, tu prends un an et je prends un siècle. Tes ans me pèsent beaucoup plus, parce que sur toi, je les contemple couler, c'est bien plus net que sur moi, parce que toi, tu es en face de moi, et moi je suis moi. Bref, quand tu souffles tes bougies, je suis vieux.
Marjolaine, petite soeur, te rends tu bien compte que cette année que tu souffles, c'est son enterrement que tu célèbres? Te rends tu exactement compte que tes 17, 18, 19, 20, 21, 22, 23 ans, ne reviendront jamais. Ils sont là, encore tous proches, tous chauds, tous souples et nets, mais ils sont morts, ils vont refroidir, se raidir, devenir flous, se dissoudre dans ta matière grise et rendre grisonnante ta mémoire émue... et toi tu es là, tu souris en savourant du regard ta charlotte au chocolat... Inconsciente."
Merci, frère. Ce qui m'a toujours touché dans ces discours, c'est que tu m'offres la responsabilité de représenter ton temps qui passe!
Maintenant, c'est ton anniversaire. A ti te toca.

Devine ce que je t'offre?!

"Grand frère, tu souffles tes bougies aujourd'hui. Et comme chaque année depuis 26 ans, tu n'as pas pu t'empêcher de prendre un an de plus. Incorrigible. Sais tu bien que si tu continues à prendre un an chaque année, tu finiras par en avoir une pesante collection? Le poids des ans, surcharge pondérale chronologique et chronique, voilà ce qui t'attend!!
Fichtre, et moi ta petite soeur, je te regarde, et je sens bien que les années que tu prends, tu ne résisteras pas au plaisir de me les offrir quand tu n'en voudras plus... Cesse donc, frère!! A chaque année que tu prends, tu en laisses une autre, et que crois tu donc? Qu'elles reviendront? Qu'elles restent dans ton sac à temps? Alors tu te goures! Il est percé ton sac à temps! Et tu es là, tu rigoles, tu fais le malin... Inconscient!
Mais frère, ces années que tu prends, force est de constater que tu les remplis si bien qu'il serait impossible de faire rentrer plus dans chacune... il faut donc bien en changer si tu veux poursuivre!
Continue pendant de longues années à user chaque année jusqu'à la corde, frère, c'est bien le seul moyen de garder la ligne chronologique.
Continue pendant de longues années à nous donner un bel exemple de sang froid et d'humour noir face aux heures qui coulent et ne suspendent pas leur vol.
Continue pendant de longues années à souffler tes bougies en philosophant, car à tant raisonner, c'est l'écho de toute cette matière grise en ébullition qui résonne dans les couloirs tordus de nos mémoires frivoles..."

Bon anniversaire, Cyprien.

1 commentaire:

  1. Ah, Schwester, tu l'as fait! Quelle inspiration/spontanéité/fraîcheur! Quel art de la symétrie et de la prosopopée! J'ai cru m'entendre! C'est un nouveau genre de post (le post-dédicacé d'anniversaire) dont tu viens de te rendre maitresse. Que de victoires! L'Espagne, le Canada, et maintenant le post d'anniversire! Où stocke-tu taznt de conquêtes? Dans les yeux admiratifs de tes lecteurs fraternels ou autres.
    A bientôt,
    CYP

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