lundi 14 septembre 2009

La courtoisie à la française


Il y a quelques jours, deux filles dans une voiture blanche étaient perdues dans la banlieue de Meudon à tombée de la nuit.
A Meudon, il y a une grande et belle forêt qui fait la joie de tous ceux qui ont des jambes, et même des autres. De nuit, cette forêt a gardé une vertu rare dans les zones urbaines: l'obscurité la plus totale.
Un peu avant cette forêt, la voiture roulait lentement sur une voie à ligne blanche et avec un trottoir assez élevé sur le côté. Aussi, lorsqu'une voiture grise la rattrapa et lui colla au derrière genre "suck my plaque d'immatriculation, cochonne!" (grand succès du porno garagiste), il fut impossible à la jeune fille qui conduisait de s'arrêter pour laisser passer l'impatient connard. Avec une certaine angoisse, elle maintint son rythme, et les yeux sur le rétroviseur, avant de freiner doucement (doucement parce que sinon, c'était collision sans préliminaires).
L'autre jeune fille était au téléphone avec une personne qui connaissait le chemin par coeur et lui donnait au fur et à mesure les indications.
Lorsqu'enfin la grosse voiture grise put dépasser, la conductrice, mal conseillée par une colère aigre, et dans le souci pédagogique de faire partager aux autres son mécontentement, leva un bras d'honneur sans équivoque vers les chauffards collants.
Aussi comprit-elle assez vite que si la voiture grise pillait juste devant la sienne alors que le feu était vert, c'était probablement pour ajouter un commentaire personnel à la conversation qui s'était engagée du bout des doigts... Elle tenta bien de faire une rapide marche arrière pour contourner la voiture grise et la dépasser, mais comme cela arrive avec les vieilles voitures, la marche arrière refusa de s'enclancher. Une timide tentative de fuite en marche avant fut immédiatement bloquée.
La grosse voiture grise vint se ranger à côté de la petite voiture blanche, et la fenêtre en verre fumé s'abaissa.
Alors là, en fait, la conductrice avait un peu la gorge serrée, des épines dans les jambes, et les sphincters prêts à vendre chèrement leur peau. L'autre fille, au téléphone, qui n'avait pas suivi la suite des évènements interrompit sa conversation téléphonique. Bien sûr, pas un chat dans ce décors de roman policier.
Dans la voiture grise, deux jeunes garçons: un blanc comme un cachet d'aspirine, avec le crâne rasé, et l'autre brun comme du sucre de canne, avec le cheveu noir et crépu.
"_ C'était pour nous, ça? (doigt dressé au bout du bras dressé).
_ Euh... oui (pas la peine de nier)
_ Ah ouais? et pourquoi?
_ Ben vous m'avez collée, j'ai pas trop apprécié, j'étais pas loin de perdre mes moyens, c'est dangereux...
_ Et ça, c'est pas dangereux? (doigt toujours dressé au bout du bras dressé)
_ Ben ça ne tue personne.
_ Ouais, mais là vous avez de la chance de tomber sur nous. Vous auriez pu tomber sur des mecs qui vous péteraient la gueule direct.
(une malheureuse micro goutte de salive au milieu de la gorge complètement sèche faillit alors se tromper de chemin tant les orifices étaient serrés).
_ Mais c'est pas contre vous, hein! C'est juste que moi, quand on me colle comme ça, je panique complètement, ça peut être dangereux.
_ Mais peut-être que nous on était pressés.
_ Et peut-être que nous on était perdues. Je ne connais pas le coin, alors on préfère aller pas trop vite.
_ Ah ben où vous voulez aller?
_ Justement, on est au téléphone avec une personne qui nous guide.
_ Ok, ben bonne soirée alors!
_ Ouais, c'est ça!"

Et la grosse voiture grise reprit son chemin. Il fallut quelques secondes à l'émotive jeune conductrice pour que ses jambes répondent suffisamment pour embrayer.
La courtoisie à la française, c'est donc de ne pas péter la gueule à une jeune fille qui vous fait un bras d'honneur parce que vous lui avez presque caressé le par choc arrière.

Des siècles de sonnets, de ballades, de danse, de chevaliers servants et vertueux, de duels, de chansons... mais on peut dire aujourd'hui que tout cela ne fut pas vain!!

1 commentaire:

  1. oh c'est beau tous ces jeunes qui s'intéressent à ce point à la poésie ! j'en suis toute émue :)

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