dimanche 12 avril 2009

Le grand air 1

Le week end, il y a deux semaines, j'étais très lassée des bruits de la ville, des odeurs de la villes, des gens de la ville, des voitures de la ville, des couleurs de la ville, des lumières de la ville... je voulais aller savourer les bruits, les odeurs, les gens, l'absence de voitures, les couleurs et les lumières de la non-ville, qui affirme davantage son importance à travers un nom qui lui est plus propre: la campagne.
J'ai pris contact avec le responsable du réseau alternatif de Murcia, qui proposait à qui avait des mains et de la bonne volonté de venir réparer une maison de paille dont un mur avait brûlé à l'automne, dans le domaine qui apparient au réseau, à une petite heure de voiture de Murcia.
Je ne connaissais ni les gens ni les lieux, mais il faut bien ne connaître ni les gens ni les lieux à un moment, si on veut pouvoir les connaître après? Que je me souvienne, il n'y a ni lieux ni gens (à quelques exceptions près, que votre imagination et votre grande connaissance de la vie vous suggéreront sans difficulté) que j'aie toujours connus!!
Le samedi matin, à 9h, j'avais donc rendez-vous avec Elias, que je devais retrouver sur la place de l'Eglise du Carmen (c'est mon quartier). J'avais un petit sac avec quelques affaires indispensables (une brosse à dents et du dentifrice, un pull, un gâteau oriental au miel et aux noix, une photocopie de mon passeport pour pouvoir identifier précisément mon cadavre si je meurs brutalement, un carnet de notes et un stylo), et un sac de couchage prêté par Eve. Je tiens à préciser que ce sac de couchage a visité la Mongolie il y a 3 ans. Il ne s'agit donc pas de n'importe quel sac de couchage. Elias avait un pantalon multicolore et une voiture rouge remplie à craquer de planches et de bazard.
En chemin, il m'a un peu raconté l'histoire de Murcia alternativa, réseau qu'il a crée en 1994, et qui ne cesse de prendre son envol. Avec des amis, ils ont acheté un terrain dans le parc régional au nord de Murcia, où ils doivent maintenant, et c'est normal, obtenir un permis chaque fois qu'ils veulent construir quelque chose dessus. L'idée à terme est de devenir suffisement autonomes en production agricole et énergétique pour qu'une communauté relativement importante puisse y vivre dans la paix et la tranquilité.
Elias, qui se définit lui-même comme un rat des villes considère qu'il est indispensable de revenir à ce genre de vie simple, et compte les années qui lui restent à vivre en ville avant de venir s'installer à la "finca". Au son de sa voix, on sent que bien que ce projet soit son bébé, la perspective de vivre à la montagne loin de la ville lui flanque une frousse noire. Il a d'ailleurs vécu 6 mois à la "finca", mais ne supportait pas la solitude, et a repris le chemin bruyant de la ville. En fait, il n'y a que 3 ou 4 personnes qui vivent réellement là à l'année.
Dans la finca, toutes les maisons sont artisanales. Soit en paille, comme celle que nous allons restaurer, soit en bois. Elias préfère la maison en paille, car sa construction est moins dispendieuse en argent et en ressources naturelles. On ne peut pas lui donner tort.
Une maison en paille, qu'est-ce exactement?

Vous pensez tous aux trois petits cochons, maintenant.
Eh bien en fait, le loup aurait besoin de beaucoup plus de souffle qu'il ne semble lui en en coûter dans le conte traditionnel pour soulever celle-ci.
Les murs sont effectivement formés de bottes de paille empalées sur des barres de fer, et pressées jusqu'à devenir très compacts. Cela permet une meilleure isolation, une propagation bien plus lente du feu si le feu prend (puisque plus la paille est serrée, moins l'air passe, et le feu est comme vous et moi, sans air, il tousse et s'étouffe), et une résistance plus grande du mur aux pressions du toit et du vent.
Les parois internes et externes du mur sont enduites de chaux liquide puis d'une couche d'un revêtement de plâtre, ou de boue, qui les rendent lisses, solides, et utilisables pour l'habitat. On parle d'une maison de paille parce que les murs sont de paille, mais en apparence, elle ne se différencie des autres que par l'épaisseur des murs et une légère irrégularité dans ses formes.
Le parc régional où nous nous trouvons était à l'origine une vaste et belle forêt de chênes, mais comme il est arrivé bien souvent dans la belle est grande histoire de l'humanité, les beaux chênes furent un à un abattus pour construire des bateaux, des maisons, des chevaux de bois, des gueules de bois, des sabots de bois, des chèques en bois, etc... et un matin, il ne restait plus qu'un bûcheron planté comme un con avec sa hache sur des montagnes écorchées vives. Commença alors une sombre époque où chaque pluie entraînait des inondations catastrophiques et des glissements de terrain, parce que bien sûr, comme il n'y avait plus rien pour retenir la terre, celle-ci ne se gênait plus pour venir voir ce qui se passait en bas dans la vallée.
Un jour, les autorités, lassées d'envoyer des missions humanitaires dans la région après chaque crachin envoya plutôt des experts, pour changer, et pour voir quel genre de forêt on pourrait replanter là. Les experts déclarèrent que la terre était dorénavant trop abîmée pour planter autre chose que des pins. On planta donc des pins. Ils brûlèrent plusieurs fois, parce le pins, ça brûle bien, mais laissèrent chaque fois des graines qui premirent qu'aujourd'hui, on a l'impression de passer dans une forêt de pins comme toutes les forêts de pins.
Elias est ingénieur agronome.
Arrivée à la "finca":
Quelqu'un travaillait à frabiquer une maison de bois. Sylvain. Un français récemment débarqué en Espagne: tout juste 20 ans.
Quand au mur brûlé de la maison de paille, une fois que nous eûmes dégagé les débris, il fallut se rendre à l'évidence: faute de paille fraîche pour remplacer la paille roussie, nous allions nous retrouver au chômage technique.
Pour meubler les 24 heures qu'il me restait à passer là, je fis une promenade vers les cimes les plus proches. Quelle vue!! des roches, des nuages, des oiseaux de proie, des perdrix, des fleurs, des chants d'oiseaux, des bourdonnements d'insectes, et tout en bas, les maisons de la "finca", toutes petites, avec les silhouettes de Sylvain, Elias et Annie (la fille de Sylvain) encore plus petites qui allaient et venaient. Je me sentais comme la chèvre de M.Seguin qui sort de son étable, et du haut de la montagne, ne comprend plus comment elle pouvait être assez petite pour entrer dans un si petit abri et se dit qu'il n'était vraiment pas étonnant qu'elle s'y sente à l'étroit.
Il me coûta à peu près autant de décider de redescendre qu'il peut coûter à un pied douloureux de décider de retourner dans ses trop petits souliers.

2 commentaires:

  1. d'ailleurs, la comparaison s'arrête là, parce que tu n'écris certainement pas comme un pied. La preuve, c'est toujours le pied de revenir prendre de tes nouvelles.

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  2. j'ai toujours dit que ça sentait l'arnaque cette histoire de loup qui souffle sur la paille !
    le nombre de c***ries qu'on a pu nous faire gober quand on était gamins quand même ;-)

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