mercredi 15 avril 2009

"symboliquement beaux" - Introduction au Bando de la Huerta

Mardi 14 avril, c'était "el Bando de la Huerta" à Murcia.

Il s'agit de la fête du printemps. Calmez vos trépignement de joie: non, ce n'est pas le Sacre du printemps, on ne va pas sacrifier une vierge. Ne soyez pas trop déçus non plus, c'est très drôle quand même, car à défaut de sacrifier des vierges, on leur bourre la gueule jusqu'à ce qu'elles ne se souviennent même plus de la couleur de leur peau.
Voilà une introduction haute en promesses, non? Vous en avez les yeux qui salivent?


Une ambiance tranquillement fébrile planait sur la ville ce matin là. Des régiments de jeunes, vêtus du costume traditionnel murcien faisaient la queue dans les épiceries pour acheter des kilos de glace, et traînaient des chariots remplis jusqu'à la garde de whisky, bière, sodas, vodka, et autres rafraîchissements indispensables pour s'hydrater si l'on compte passer la journée le nez au vent et au soleil, entre un arbre mourant et un boulevard. Et c'était charmant et émouvant de voir toute cette jeunesse se mobiliser d'un commun accord pour promouvoir et défendre la culture de leur terre!
Le costume murcien se compose de:

Femmes:
_ Une coiffure nattée avec des nœuds et des rubans
_ Un châle brodé et une chemise blanche
_ Une grosse jupe raide de toile noire ou multicolore
_ Un jupon de dentelle blanche
_ Des jarretelles en dentelle blanches
_ Des sandales avec la semelle en corde, retenues au pied par des bandeaux de tissu, noir, blanc ou rouge.

Hommes:
_ Un chapeau
_ Une chemise blanche recouverte d'un veston noir ou brun avec des motifs de feuilles, qu'on laisse généralement ouvert, dans un négligé artistiquement étudié
_ Une écharpe pour ceinture, bleue, rouge, noire ou verte, enroulée autour des hanches, de façon à souligner la ligne mince et souple des jeunes, et la bedaine ronde et raide de ceux qui ont déjà une grosse quinzaine de bando de la huerta derrière eux.
_ Une jupe-culotte blanche qui se termine à mi-mollets
_ des jaretelles en dentelle blanches
_ des sandales avec la semelle en corde. Les mêmes que ces dames.
D'ailleurs bien souvent, les femmes adoptent le costume des hommes. La réciproque n'est pas valable.

Mixte:
_ Un chariot de supermarché ou une cuvette en plastique, subtilement vêtu de feuillages, pour rappeler qu'il s'agit bien de la fête du printemps, de la nature et des vitamines, rempli de boissons.

Quelques réflexions personnelles au sujet du costume murcien:
Tout d'abord, le costume murcien n'est pas pratique. Pas une personne au monde ne voudra croire qu'on peut mener à bien les travaux quotidiens de la ferme avec ces sandales, ce veston etc..., contrairement à ce qu'essaient de faire croire les murciens. C'est peut-être, d'ailleurs, la raison pour laquelle l'agriculture murcienne n'est pas franchement florissante. Les sandales de corde, par exemple, offrent un nombre d'incommodités record pour de si petits objets. La corde absorbe le liquide, et met longtemps à sécher. Si l'on marche dans l'eau, la boue, la pisse, etc... on a le pied mouillé immédiatement, et aucun espoir que ça sèche avant les trois prochains mois, ce qui signifie qu'on peut jeter les chaussures, puisque d'ici trois mois, elles auront atteint un point de putréfaction qui rendra leur simple évocation vomitive. La corde n'a pas une forme lisse. Avec les heures qui passent, le pied se fatigue de prendre la forme des nœuds de la corde, et la peau s'irrite. Les pieds gonflent, deviennent rouges, chauds et douloureux. Le tissu qui retient le pied dans la chaussure n'est pas confortable, car il ne s'adapte pas à la forme du pied. On a donc les orteils esquichés, les ongles qui s'incarnent, la peau qui déprime. En fait, après une journée dans ce genre de chaussure, on peut être porté à un certain nombres d'extrêmes pour que cesse la douleur:
_ se couper les pieds avec une cuiller à soupe
_ vendre son exploitation agricole, pour pouvoir recommencer à s'habiller normalement
_ crâmer la maison et la famille du tabarnak de ciboire de connard d'hijo de puta qui nous a vendu cet outil de torture. Ca ne fait pas cesser la douleur, mais d'une certaine façon, ça soulage.
Ensuite, le costume murcien est laid. Très laid. La jupe ressemble à s'y méprendre à un sac. La jupe-culotte met principalement en valeur les protubérances, et rend la silhouette plus trapue, lourde, et sans élan. Et les jarretelles de dentelle sont un peu surprenantes sur les jambes velues de ces messieurs... Je ne me suis pas lassée, pendant toute cette journée, de voir de jeunes garçons réajuster à mi-cuisse le ruban blanc qui retenait leur dentelle...
Ceci étant dit, il est formidable de constater l'enthousiasme des gens d'ici, qui n'hésitent pas à donner de leur personne pour garder vivante l'identité de leur ville. C'est pourquoi, trêves de médisances, nous considérerons que les murciens vêtus en murciens sont "symboliquement beaux".

1 commentaire:

  1. un petit air de Delerm commentant les inconvénients de l'espadrille. Merci pour ces échappées espagnoles!
    Magali (ancienne de l'aumônerie de Sceaux)

    RépondreSupprimer